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Vol sans stabilisateur vertical : crash du XB-70 Valkyrie et F-104N

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Il arrive quoi a un avion qui perd son stabilisateur vertical en vol ? Un avion peut perdre sa gouverne verticale, mais il ne survivra pas a la perte du stabilisteur vertical. Sans celui-ci, un avion rentre en vrille plate et va vers le sol. Le cas etudie dans cet article est un exemple d’ecole.

Par definition, les accidents qui touchent des avions militaires sont difficiles a documenter. Ces appareils ne sont pas obliges de transporter des enregistreurs de vol et generalement, ils n’en transportent pas. En cas d’accident, les enquetes sont realisees par l’armee et aucun rapport n’est emis. L’accident ci-joint est reste longtemps secret parce qu’il touchait un projet sensible que le Gouvernement US n’a rendu public que longtemps apres qu’il ne soit abandonne.

 

XB-70 Valkyrie
XB-70 Valkyrie. Il a 6 ailerons de chaque cote et
deux stabilisteurs verticaux. La gouverne de profondeur est a l’avant.
 

 

 

XB-70 Valkyrie
XB-70 Valkyrie au decollage. On voit bien les 6 tuyeres de reacteurs qui poussaient cet
appareil jusqu’a 3 fois la vitesse du son. La gouverne de profondeur
est baissee correspondant a un manche tire.
 

 

Le premier appareil implique dans cet accident est un XB-70 Valkyrie. C’est un avion de la taille d’un Concorde mais qui vole encore plus vite : mach 3.1 a plus de 70’000 pieds ! La poussee est assuree par six reacteurs a post combustion General Electric J-93. Ces engins brulaient du JP-6 (Mil-J-25656) fuel sur mesure comportant du Bore (B) sous forme de Triethylborane (TEB). Ce meme compose se trouvait dans le carubant du Lockheed SR-71 Blackbird ainsi que dans les moteurs F-1 du lanceur Saturne V.


La formule du TriEthyleBorane peut s’ecrire (C2H5)3B ou bien Et3B. Rien qu’a sa formule, on se rend compte que c’est un compose tres instable. Il brule spontanement au contact de l’air en degageant une flamme tres chaude de couleur verte*. Un demi-verre (50 cm3) suffit a mettre en route le moteur d’un SR71 !

* L’URSS etait en avance sur les USA en terme de fusees. Les espions de l’epoque obeservaient les fusees sovietiques au decollage avec des instruments optiques donnant les couleurs qui composent la flamme. Sachant que chaque produit chimique brule avec une couleur differente, il leur etait possible de deduire la composition du carburant. Sachant cela, et pour tromper l’ennemi, les Sovietiques avaient place un anneau en cuivre brosse a la sortie des tuyeres de certains lanceurs 🙂 Le cuivre brule avec une flamme verte. Voyant le vert dans le spectre, les chercheurs virent peu d’options : le cuivre, le bore ou quelques elements improbables comme le thallium. Ne voyant pas ce que pouvait venir faire le cuivre dans un carburant de fusee, il ne restait qu’une seule solution : le bore. D’ou de longues recherches sur la chimie de cet element qui ont debouche sur des resultats tres interessants.

 

Flamme Cuivre
Ici, des copeaux de cuivre en train de bruler.
 

 

 

Flamme Et3B
Flamme du Et3B. Tres facile a confondre avec celle du cuivre.
Le but de l’appareil etait de transporter jusqu’a 14 bombes atomiques au coeur de l’URSS. Les pilotes pouvaient voler en territoire ennemi sans craindre les intercepteurs qui n’avaient pas, a l’epoque, les performances requises pour les inquieter. Ils reduisaient alors leur vitesse a mach 0.95, lancaient les bombes, et puis mettaient plein gaz pour s’arracher avant que l’endroit de ne transforme en enfer.

Deux appareils ont ete construits au prix unitaire de 750 millions de dollars. L’un d’eux est visible au National Museum of the United States Air Force pres de Dayton en Ohio. L’autre, il s’est ecrase lors d’un vol pour prendre des photos.

C’etait le 8 juin 1966…

Le XB-70 vollait au dessus du desert de Mojave en Californie avec a ses cotes 4 avions de chasse : F-4, F-5, T-38 et F-104N. Tous ces appareils utilisaient des moteurs du meme fabriquant : General Electric. Le but premier du vol etait de realiser des photos pour le motoriste. Un Lear Jet se positionne legerement en retrait pour prendre ces photos.

Un de ces appareils qu’on voit voler a droite du XB-70 est un F-104N Starfighter numero 813 avec aux commandes Joe Walker le chef pilote d’essai de la NASA.

 

XB-700 formation
XB-70 en formation avec un F-4, F-5, T-38 et un F-104.
 

XB-70 formation
F-104 immatricule NASA 813 estime a 21 metres du XB-70.
La tentation d’aller “encore plus pres” est evidente.
Les vols en formation sont par nature tres difficile. Celui-ci a un element aggravant en plus : les avions ne sont pas pareils. Ils ont tous des performances differentes. Le XB-70 vole dans la zone basse de son domaine de vol afin de ne pas distancer les autres. A cette vitesse, il produit beaucoup de turbulences de sillage.

A un moment donne, le F-104 s’approche un peu trop et c’est le drame ! Il passe sur le dos et il vient tapper contre le haut du XB-70. Le F-104 explose immediatement et le pilote est tue sur le coup. Meme si l’appareil est equipe d’un siege ejectable zero-zero*, le choc est trop violent et ne laisse aucune chance au pilote.


* Les premiers sieges ejectables avaient besoin d’une hauteur/vitesse minimale de l’avion pour pouvoir etre utilises en toute securite. Cette exigeance etait liee aux parachutes qui avaient besoin d’un certain temps pour se deployer et freiner la chute. Beaucoup de pilotes sont morts parce qu’ils ont connu des problemes alors qu’ils volaient trop bas pour que leur siege ejectable puisse etre operationnel. Par la suite, est arrivee une generation de sieges dits zero-zero, c’est a dire, zero-altitude, zero-vitesse. Ils peuvent etre utilises en toute securite meme depuis un avion gare au sol.

Le XB-70 perd ses deux gouvernes de direction et pendant quelques secondes, il semble voler comme de rien n’etait.

 

XB-70 formation
Juste apres l’impact : remarquez l’absence des deux gouvernes
de direction sur le XB-70
 

XB-70 formation
Un peu plus tard. Le F-104 toujours en boule de feu
 

 

Les images du XB-70 montrent une situation physiquement impossible : un avion voler sans gouverne de direction, ni stabilisateur vertical. Lorsque l’avion a tendance a derapper sur un cote, le stabilisateur vertical le ramene dans l’axe du vent relatif. C’est pour ne pas voler lateralement que les fleches qu’on tire a l’arc ont aussi un empennage. Sans stabilisateur vertical, une fois que le derappage initie, rien ne peut l’arreter. L’avion part lateralement. L’aile qui part en avant a tendance a se soulever et l’avion s’incline. Une correction aux ailerons produit un roulis induit que rien ne vient stabiliser. En quelques cycles derappages, corrections, l’avion s’incline fortement et passe sur le dos :

 

XB-70 sans gouverne de direction
Le XB-70 vole normalement mais il est fortement instable.
 

 

 

XB-70 formation
Il part sur le cote. Pratiquement sur la tranche.
 

 

 

XB-70 formation
Totalement sur le dos.
 

 

Par contre, meme sur le dos, il n’est pas stable. Il continue a tourner et revient a plat. Le pilote tire sur le manche pour amortir la chute mais se retrouve dans une situation de decrochage dynamique. Grace a l’humidite, on voit la trajectoire des filets d’air qui sont presque perpendiculaires a l’aile :

 

XB-70 formation
Decrochage dynamique. Remarquez le flux d’air perpendiculaire
au plan des ailes.
 

 

L’avion continue a tournoyer dans une vrille tout en allant vers le sol. Peu avant l’impact, le commandant de bord reussit a s’ejecter. Il se blesse au bras mais a la vie sauve. Le copilote n’arrive pas quitter l’avion et il est tue.

 

XB-70 formation
Remarquez les tourbillons d’air. Ils sont generes par l’avion
qui tourne a plat sur lui-meme.
 

 

 

XB-70 formation
Le XB-70 finit par s’ecraser au bout d’une interminable chute photographiee
depuis le Lear Jet.
 

 

Le XB-70 s’ecrase lourdement en une seule piece. En effet, meme en vrille, un avion ne tombe pas en chute libre. Il reste toujours une portance residuelle a la direction chaotique qui le freine. Voici les degats :

 

XB-70 formation
Restes du XB-70 dans le desert.
 

 

 

XB-70 formation
Restes du XB-70 dans le desert.
 

 

 

XB-70 formation
Restes du XB-70 dans le desert.
 

 

Le F-104 finit quelques kilometres plus loin. A titre de comparaison, la violence du choc est telle que jusqu’a nos jours on trouve encore ses miettes dans le desert.

Le projet du XB-70 Valkyrie s’arreta sans que jamais cet avion ne soit reellement exploite.

2 COMMENTS

  1. Petite précision concernant les sièges éjectables:
    Le siège éjectable est un élément dangereux. Certes, il a sauvé de nombreux pilote et navigateurs, mais il demande une utilisation rigoureuse.

    Toutefois dans certaines configurations, il ne garanti pas une éjection réussie. Par exemple, pour une éjection sur le dos à faible hauteur; une éjection en piqué près du sol ou aussi en approche en courte finale (moins de 300pieds)

    Ensuite pour réussir une éjection avec les meilleures chances de survie, il est nécessaire d’adopter une position correcte, à savoir les éléments principaux:

    – être bien positionné sur le siège,
    – plaqué son casque sur l’appui-tête,
    – dans la mesure du possible ranger les éléments nécessaires à la navigation, pour ne pas se blesser à la sortie de l’habitacle.

    Au niveau morphologique et physique, les vertèbres ne supportent pas le poids du corps, c’est tous les organes et muscles qui font cela, et entre autre, la ceinture abdominale.
    En cas d’éjection, le cerveau va inconsciemment au moment du “tiré” sur la poignée basse, durcir la ceinture abdominale et les muscles, protégeant ainsi les vertèbres d’un écrasement l’une sur l’autre.

    Par contre, l’évolution technologique des sièges a permis de pouvoir s’éjecter au sol à vitesse 0 (avion arrêtée). D’où l’appellation sièges type 0/0

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