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La longue Chute du Vol Alaska Airlines 261

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Les crashs dont la séquence dure longtemps sont particulièrement effrayants et nourrissent, à juste titre, l’imagination du public. L’histoire du vol d’Alaska Airlines 261 est celle d’une vraie bataille aérienne contre le destin. Plus de deux heures durant, les pilotes livrèrent une bataille désespérée.

Le vol 261 était réalisé par un MD-81. Ce biréacteur très fiable est largement utilisé aux Etats-Unis et en Europe où Alitalia est la compagnie qui en exploite le plus grand nombre. Durant cette journée du 31 janvier 2000, le vol 261 décolle de l’aéroport de Puerto Vallarta dans le Mexique à destination de Seattle au nord Ouest des Etats-Unis. Une escale commerciale est prévue à San Francisco dans l’état côtier de Californie.

Les premières minutes du vol se passent sans histoire. L’avion est passé d’un contrôleur à un autre et finit par être autorisé à rejoindre son altitude de croisière qui est de 31’000 pieds ce jour là. La météo est très correcte et rien ne laisse présage le pire.

Soudain, l’avion subit une secousse brutale et se met à plonger. Aucun signe annonciateur n’est venu prévenir. Dans la cabine, les passagers s’accrochent à ce qu’ils peuvent alors que les pilotes, de toutes leurs forces, tirent sur le manche.

Le taux de descente atteint rapidement 7’000 pieds par minute. L’un des pilotes appelle le contrôleur pour avertir de la situation.

– Nous plongeons ! lance-t-il à la radio

Malgré son radar, le contrôleur est choqué pendant un instant. Il croit avoir mal entendu et demande au pilote de répéter son message. Pourtant, il n’y a pas de doute à avoir, l’avion passe déjà les 26’000 pieds en descente.

A eux deux, les pilotes arrivent à stopper la chute et à plus ou moins maintenir l’avion. A ce moment là, ils vont prendre une décision très grave que beaucoup de familles leurs reprocheront toujours. Alors qu’ils ont 9 aéroports civils et militaires dans le voisinage, les pilotes ne choisissent pas de se poser. Au lieu de cela, ils décident de continuer sur San Francisco, leur prochaine escale d’après le programme. Quant au problème de l’avion, ils vont chercher à le résoudre en plein vol, en tentant plein de choses en fonction de l’inspiration du moment.

Tout à l’arrière, l’empennage de l’avion est constitué d’une aile horizontale appelée stabilisateur de profondeur. Cette aile, porte les gouvernes de profondeur qui sont actionnées par le pilote et lui permettent de faire piquer ou cabrer l’avion. Elle-même, l’aile peut être manœuvrée. Afin de réduire les efforts sur le manche, le pilote actionne un petit bouton qui permet de faire bouger l’aile et de la fixer à une position différente. Ce mouvement, très lent, s’effectue grâce à des moteurs électriques qui actionnent une vis sans fin. Ce dispositif est connu depuis l’époque d’Alexandre le Grand et Archimède. La vis, longue d’environ 55 cm, tourne sans bouger. Fixé dessus, il y a un écrou gros un poing fermé. Lorsque la vis tourne dans un sens ou dans l’autre, l’écrou se déplace dessus vers le bas ou vers le haut. Ce mouvement est communiqué au stabilisateur de profondeur. Malgré une certaine lenteur, l’avantage de ce système est qu’il permet d’obtenir une grande force au niveau de l’écrou. De plus, le système reste dans n’importe quelle position que les pilotes lui donnent. Si personne ne vient le bouger, il ne bouge pas tout seul.


Rachel Pearson, victime du vol 261. Elle porte un plâtre sur le bras
gauche suite à une chute de vélo. (Crédit Photo Famille Pearson).
Afin de reprendre le contrôle de l’avion, les pilotes décident de changer le calage du stabilisateur. Malheureusement, le stabilisateur en question réagit peu ou pas à leurs ordres. A ce niveau là, presque tous les pilotes du monde auraient choisi de faire diversion sur le premier aéroport capable de les accueillir. Mais l’équipage de conduite du vol 261 s’acharne. Alors qu’ils ont l’avion en main, ils décident de tenter encore de régler le stabilisateur. Ils activent les deux moteurs en même temps et les laissent tourner pendant un bon moment. Dans leur cockpit, ils ne peuvent pas savoir si effectivement la vis sans fin se trouvant 45 mètres derrière tourne ou ne tourne pas. Du moment qu’ils ne sentent pas l’avion réagir, ils s’acharnent, c’est le mot, sur les boutons du trim en espérant obtenir quelque chose à la longue.

La situation s’aggrave et les pilotes ne peuvent plus empêcher l’avion de plonger. Ils arrivent néanmoins à me diriger au large, sur la baie de San Francisco. Ils décident de faire quelques tests pour reprendre le contrôle de l’appareil et atterrir par la suite sur l’aéroport de San Francisco. Le commandant de bord a une idée : pousser sur le manche et profiter la tendant naturelle de l’avion à piquer pour créer des G négatifs. Cette accélération qui crée un état d’apesanteur en cabine, pourrait permettre de débloquer, à ses yeux, le stabilisateur récalcitrant. Les passagers sont prévenus et trois plongées très brutales sont réalisées. Lors de l’une d’elles, -3 G seront mesurés.

Un mécanicien de vol de la compagnie entre en communication radio avec les pilotes. Ces derniers lui expliquent les problèmes. Ils avaient déjà rencontré des difficultés avec le stabilisateur horizontal dès le début du vol, mais ils avaient préféré continuer. Deux heures et demi de vol ont été réalisées avant que la situation ne commence sérieusement à échapper aux pilotes.

Alaska-Airlines-261-avion

Pendant qu’ils parlent au technicien, l’avion part brutalement vers le bas. Il perd 10’000 pieds et se stabilise quelques instants à 7’000 puis reprend une plongée plus brutale que les autres. Il pique du nez puis se retourne sur le dos. Sentant la fin proche, l’un des pilotes adresse « un merci » au contrôleur aérien qui a tout fait pour les sortir de la situation désespérée qui était la leur.

Il fait jour, beaucoup d’avions survolent la baie et voient en direct la chute du MD-80 aux couleurs d’Alaska Airlines. Le contrôleur aérien ainsi que beaucoup de radio amateurs de la côte Ouest entendent les commentaires en direct sur la fréquence :

– Il plonge, annonce un témoin
– Il passe sur le dos, déclare un autre
– Il vient de toucher l’eau, c’est fini monsieur

Un hélicoptère orange des gardes cotes est rapidement sur les lieux. L’eau est à 15 degrés et on espère trouver des survivants. Mais sur les lieux, ne sont visibles que des débris flottants qui dansent au gré de la houle. Les 88 occupants de l’appareil sont tous morts sur le coup.

Les secours arrivent et des filets de pêche sont déployés pour tout ramasser. La profondeur de l’eau, 120 mètres, permet une recherche sans difficultés et des restes de l’appareil.

Dès le lendemain, la polémique enfle :

– Pourquoi, bon Dieu, ont-ils choisi de poursuivre leur vol au lieu de poser au plus vite ? interpelle un avocat

Le NTSB se pose la même question. Les enquêteurs surgissent dans les ateliers de la compagnie et saisissent tous les documents de maintenance. Treize avions d’Alaska Airlines sont cloués au sol jusqu’à nouvel ordre. Afin d’éviter de se retrouver dépassées par le scandale, les autorités décident de jour la transparence. Les journalistes sont invités à écouter le CVR. Quant aux parents des victimes, ils reçoivent tous un courrier avec la transcription détaillée du contenu de ce CVR.

L’écoute de l’enregistrement est particulièrement pénible. Durant les dernières minutes, le commandant de bord parle de façon claire et intelligible. Par contre, sa voix est celle d’un homme brisé. Il sait que l’avion descend trop vite et que la piste est trop loin.

Deux moi après l’accident, le FBI s’intéresse à l’affaire d’un point de vue criminel. D’après des révélations de journaux, des responsables techniques auraient été mis sous pression et même « intimidés » pour qu’ils expédient au plus vite les opérations de maintenance. Se sentant visée, la Alaska Airlines lance un audit externe et crée une hotline indépendante pour tous les pilotes et techniciens qui ont des plaintes à formuler au sujet de la sécurité des opérations.

Pendant ce temps, le fond de l’océan est passé au peigne fin et la majorité des débris de l’appareil sont remontés. La vis sans fin est retrouvée dans un état d’usure avancé et cohérent avec son comportement en vol. Le filetage est arrachée et s’enroule comme un fil de fer à distance de la tige qui est presque lisse.

Le 13 juin 2000, une nouvelle arrive comme une bombe : en septembre 1997, un mécanicien avait remarqué que la vis sans fin présentait des signes importants d’usure. Il la déposa et la remplaça par une neuve. La dépense occasionnée ne fut pas du goût des responsables de la compagnie. La pièce fut récupérée de la poubelle, contrôlée par leurs soins puis déclarée apte au service et remise sur l’appareil. On découvre par ailleurs, que la compagnie avait fabriqué elle-même un outil non agrée et peu fiable pour contrôler les vis sans fin des stabilisateurs horizontaux. C’est est trop ! On fait inspecter 18 des MD-83 de la compagnie. Le résultat est effrayant : 17 avions ont une vis sans fin usée et sur le point de déclancher un crash.

Le NTSB qui poursuit patiemment son enquête. Traditionnellement, un technicien ou un pilote de la compagnie concernée par un crash se joint aux enquêteurs. Mais exceptionnellement, le NTSB déclare qu’il écarte le membre d’Alaska Airlines qui avaient été admis dès le début. On apprend que ce dernier n’a cessé de tout faire pour perturber et retarder l’avancée des choses. Le public est édifié. Pour la première fois, les gens semblent découvrir qu’aux yeux de certaines compagnies aériennes, leur vie et celle de leurs proches ont un prix.

L’enquête qui avance va éclabousser la FAA également. Cette autorité gouvernementale certifie les avions ainsi que toutes leurs procédures de maintenance et d’exploitation. Les décisions de la FAA font école dans le monde entier. Le fabriquant de la vis sans fin, spécifiait clairement qu’il fallait y accéder pour la contrôler et surtout la graisser toutes les 500 heures de vol. Ce chiffre n’est pas avancé au hasard, mais résulte de tests sévères lors de la conception et la certification de cette pièce vitale de l’avion. Mais chez Alaska Airlines, certains responsables ne le trouvent pas à leur goût. Ils contactent la FAA et argumentent : les visites coûtent cher et sont difficiles à réaliser dans la mesure où l’empennage se trouve à 9 mètres du sol.

Comme trop souvent, la FAA est sensible à la requête et autorise la compagnie à ne réaliser ces contrôles que tous les 8 mois sans aucune limitation de temps de vol. En 8 mois, l’avion qui s’est écrasé avait accumulé 2’550 heures de vol.

Quand la vis sans fin est sortie de l’eau, il devient clair qu’elle ne portait aucune trace de grâce bien longtemps avant le crash. Le métal glissait contre le métal et le filetage subissait une abrasion à chaque fois que le stabilisateur était déplacé. A un moment donné, la question n’était plus si un crash allait se passer, mais plutôt quand allait-il se passer.

Ainsi, monter à bord de ce MD-83 immatriculé N963AS était-il devenu une sorte de roulette russe. La physique avait décidé du crash et le hasard devait choisir le moment.

Au décollage, ce 31 janvier, l’usure avait atteint un point extrême. Juste quelques aspérités sur la vis retenaient encore l’ensemble. Durant le vol précédent, les pilotes avaient déjà expérimenté quelques ratés avec le trim. Le comportement était voisin de ce que vous constatez lorsque vous cherchez à visser un boulon qui est foiré. Parfois il s’accroche et parfois il tourne dans le vide. Quand le phénomène est poussé à son comble, on peut même retirer l’écrou sans avoir besoin de le tourner. L’équipage en parle pendant près de vingt minutes avec les techniciens au sol. Avec un léger doute, les pilotes décollent. Immédiatement, le problème se manifeste de nouveau. En effet, le gros boulon auquel est attaché le plan horizontal avait glissé sur quelques sillons donnant une tendance à piquer de l’avion. Cette tendance est nette mais pas dramatique. Les pilotes insistent un peu sur le trim et finissent par rétablir la situation et le vol continue.

Au bout de 2 heures et demi, alors que l’appareil est à la frontière entre la Californie et le Mexique, les forces aérodynamiques finissent par faire céder le bout du filetage qui tenait encore. Le boulon glisse de plusieurs centimètres et finit par s’arrêter sur une zone plus ou moins potable de la vis sans fin. A ce moment, l’avion vole à 31’000 pieds et se met brutalement en plongée. Le contrôleur aérien est averti à 26’000 pieds et l’avion récupérer à la force des bras vers 23’000 pieds. Jusqu’à cet instant, l’issue du vol n’était pas encore donnée. Si les pilotes avaient décidés de ne « toucher à rien » et de se poser sur le premier aéroport venu, ils seraient probablement en vie de nos jours.

Mais une chute de 8’000 pieds ne semble pas impressionner nos pilotes. Avec le peu de moyens qu’ils ont, ils décident de « régler le problème » tout en continuant sur leur destination. Cette obstination brutale va signer leur arrêt de mort.

Ils commencent par activer le premier moteur de la vis sans fin. Celle-ci tourne et les dernières aspérités commencent à partir en poussière. Quand des pièces métalliques qui subissent des forces élevées sont frottées les unes contre les autres, elles chauffent rapidement et l’usure est très rapide. Comme l’avion ne réagit pas favorablement, les pilotes actionnent les deux moteurs en même temps et à toute vitesse. Pendant plusieurs minutes ils on les doigts dessus. Parfois, ils sentent que le plan horizontal a bougé et cet espoir les incite à persister. Le système est tellement endommagé, que le boulon glisse encore plus loin et l’avion plonge à partir des 17’000 pieds. Au passage des 7’000 pieds, le boulon bute sur une dernière aspérité qui le retiendra pendant quelques secondes. Enfin, il glisse encore, mais cette fois la tige de 55 centimètres est terminée. Le système se disloque totalement et le plan horizontal se braque complètement vers le haut. Il est même probablement arraché par le vent. L’avion plonge vers la mer et la suite nous la connaissons.

Parmi les nombreuses leçons de ce drame, le NTSB recommande aux pilotes de ne plus jamais s’acharner sur les systèmes. Si quelque chose ne fonctionne pas après un nombre raisonnable d’essais, il faut savoir s’arrêter et se poser pour laisser les techniciens intervenir.

4 COMMENTS

  1. Je ne suis pas d’accord avec vous lorsque tu dit que les pilotes se sont obstinés a régler le problème et qu’ils sont par conséquent responsables eux aussi ! Non ! Le seul et unique responsable c’est cette compagnie de merde qui voulait juste augmenter ses profits en réduisant ses coûts sur la maintenance, les pilotes de ce vol ont été héroïques, ils ont prit leur temps pour atterir oui certes, mais avant de se poser ils voulaient être certains d’avoir le contrôle total de l’appareil et de plus ils sont restés au dessus de l’eau pendant tout ce temps, ce qui a par ailleurs permis d’éviter des victimes au sol a Los Angeles en cas de perte de contrôle ce qui fut le cas, ils ont tout donnés pour sauver l’avion, malheureusement a partir du moment où le compensateur s’est bloqué ils étaient condamnés

  2. Au delà de l’aspect dramatique de ce vol, arrêtons nous sur un petit point qui à mon avis a son importance:
    “Un mécanicien de vol de la compagnie entre en communication radio avec les pilotes”.
    Dans une telle compagnie, un mécanicien ( de cette compagnie qui ne respecte pas les recommandations de maintenance) doit immédiatement visualiser le problème. Il aurait du faire pression auprès des pilotes pour qu’ils ne touchent plus au trim.
    Pour ma part, ce mécanicien a une énorme responsabilité dans la suite des événements.

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