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La légende et les soucis du Boeing 737

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On ne peut pas faire Paris – New York en 737, mais on peut faire tout le reste. L’appareil a été développé dans les années soixante à partir des modèles 707 et 727 et fut un tel succès qu’on estime aujourd’hui qu’il a transporté près de 7 milliards de passagers, soit près de la population mondiale en 2006.

Le 737 se décline aujourd’hui en de nombreuses versions et variantes. La première version connue est le 737-200. Le -100 fut produit à une trentaine d’exemplaires dont aucun n’est en état de vol aujourd’hui.

Ce Boeing est certainement le premier avion de transport à oser mettre ses 2 réacteurs sous les ailes. Les tendances de l’époque voulaient que les engins soient placés à l’arrière au niveau de l’empennage. C’est selon ce choix que furent construits le DC-9, le BAC 1-11 et même la Caravelle de Sud Aviation. En ce sens, les concepteurs du 737 font un choix osé et révolutionnaire. Aujourd’hui, tous les biréacteurs de transport public sont construits avec les réacteurs sous les ailes.

Lors du décollage et à tout moment du vol, l’avion doit rester contrôlable même en cas de la panne d’un moteur. Plus le moteur restant est loin de l’axe longitudinal de l’avion, plus il va générer de dissymétrie. Pour voler droit avec un seul moteur en marche, il faut utiliser la gouverne de direction. Sur le 737, celle-ci est particulièrement grande. En vol normal, elle ne bouge que dans une faible proportion. C’est seulement en cas de panne moteur que sa taille et sa puissance trouvent tout leur sens.

Alors que le 737 est considéré comme un des avions les plus sûrs au monde, ses versions 100, 200 et 300 portent une grave tare de naissance. Elle mettra du temps à être découverte et réparée mais non sans avoir emporté de nombreux innocents.

Sur le Boeing 727, mais aussi sur le 747 jusqu’à nos jours, la gouverne de direction est divisée en deux morceaux qui bougent ensemble tout est restant totalement indépendants. Chaque partie est mue par son propre vérin hydraulique. Sur le Boeing 727, seule la gouverne de direction inférieure peut se déplacer à toutes les phases du vol. La gouverne supérieure ne s’enclenche que lors du décollage et l’atterrissage.

747-400 de KLM. La gouverne de direction se compose de deux éléments indépendants

 

Même solution ici sur un 727-200 au couleurs de la poste des Etats-Unis (USPS).

 

 

Sur le Boeing 737, la gouverne est construite en une seule pièce. Ce choix permet d’économiser quelques dizaines de kilogrammes, mais pose un problème grave au niveau de la redondance des surfaces de vol. Une règle absolue dans la construction de tous les avions de ligne impose que les gouvernes de vol soient doublées et montées de manière indépendante. Ceci s’applique aux ailerons et à la gouverne de profondeur, mais pas nécessairement à la gouverne de direction. Par contre, pour toutes les gouvernes, il faut plusieurs sources d’énergie afin que l’avion reste pilotable même si de nombreux problèmes surgissent en vol.

Le Boeing 737 a deux circuits hydrauliques désignés par A et B et qui travaillent à plus de 200 bars de pression. Le circuit A est alimenté par deux pompes entrainées chacune par un réacteur. Le circuit B est mis sous pression par deux pompes électriques qui peuvent être alimentées par de nombreuses sources. Chaque circuit peut entrainer l’autre sans échange de fluide à l’aide de moteurs hydrauliques appelés PTU pour Power Transfer Unit (Unité de Transfert d’Energie). Les ailerons et la gouverne de profondeur, qui sont des éléments vitaux, sont attaqués simultanément par les circuits A et B. En outre, ils sont reliés aux commandes de vol par un système de câbles en acier, de poulies et de renvois. Dans le cas plus qu’improbable où les deux circuits seraient défaillants, les pilotes peuvent en dernier ressort piloter l’avion à la force des bras. Les efforts sont élevés mais compatibles avec ce qu’un humain motivé peut rendre.

La gouverne de direction est alimentée par les circuits A et B plus un troisième circuit de secours. Ce dernier est de très faible puissance. En plus de cette gouverne, il peut faire sortir les slats et les inverseurs de poussée. La logique est qu’en cas de perte des circuits A et B, l’avion atterrit sans les volets. Le minimum qu’on puisse donc lui fournir c’est les slats et les inverseurs de poussées. Ces derniers deviennent plus que nécessaires quand l’atterrissage se fait à grande vitesse. Moyennant ce troisième circuit, la gouverne de direction n’est pas reliée à la timonerie de commande. Elle est donc entièrement hydraulique.

Les pilotes agissent sur la gouverne de direction aux pieds en appuyant sur l’un ou l’autre des palonniers. Le pilote automatique n’a aucune action sur cette gouverne, mais un autre système automatique appelé Yaw Dumper (amortisseur de lacet) agit dessus de manière transparente. C’est-à-dire que lorsque le Yaw Damper fait bouger la gouverne de direction, les pilotes ne voient pas les palonniers bouger. Le Yaw Damper existe sur tous les avions de ligne afin de stabiliser des oscillations qui arrivent surtout à haute altitude.

La redondance est telle, qu’on ne connaît pas un seul cas documenté de Boeing 737 ayant perdu tous ses moyens de contrôle en vol. Les gouvernes de cet avion ne s’arrêtent jamais, mais elles ont un défaut très grave : elles peuvent se mettre à bouger toutes seules !

Gouverne de direction
Ce problème concerne la puissante gouverne de direction sur les modèles -100 à -300 dont un grand nombre restent en exploitation de nos jours. Le problème a fait couler beaucoup d’encre aux USA et il a malheureusement provoqué de nombreuses victimes. Une grande partie de avions concernés ont été corrigés aujourd’hui, mais la polémique reste entière entre Boeing, la FAA, le NTSB et les associations de pilotes comme l’ALPA.

La carrière du 737 commence sans trop de soucis. L’appareil vole bien et les compagnies l’apprécient. Pourtant, il y a quelque chose qui ne va pas un et un malaise croissant commence à sévir parmi les pilotes et les mécaniciens de cet appareil. Autant certaines personnes considèrent le 737 comme un avion parfait, autant d’autres croisent les doigts chaque fois qu’il prend l’air avec le plein de passagers.

Ce manque de confiance est à l’origine d’un évènement absolument unique dans les annales de l’aviation. Ca se passe à l’aéroport de Denver, la capitale du Colorado. Le 1 janvier 2003, vers 9 heures du matin, un 737 est sur le point de partir avec 130 passagers. Alors que les moteurs sont mis en route, un mécanicien arrive et ramasse une cale qui avait été retirée et déposée de coté. Sans la moindre hésitation, il la jette dans le réacteur gauche dont le compresseur tourne à plusieurs milliers de révolutions par minute. Le moteur est endommagé, l’avion ne partira pas. Le mécanicien déclare avoir voulu sauver des vies en empêchant le départ de ce vol.

Dès le début de son exploitation à la fin des années soixante, le Boeing 737 connaît une mystérieuse série d’incidents. A chaque fois, les pilotes sont sur le point de perdre le contrôle de l’avion suite à un comportement étrange de celui-ci. En plein vol et sans le moindre avertissement, l’appareil s’incline brutalement sur le coté et il faut plusieurs minutes de lutte pour le rattraper. On blâme les pilotes et les turbulences mais jamais personne n’ira discuter la conception du 737.

Quand les alertes se multiplient, Boeing remet en cause la conception du système Yaw Damper. Ce dernier, aurait tendance à agir trop énergiquement sur la gouverne et provoquer sa déflexion intempestive. Pourtant, les problèmes constatés ne collent pas avec cette explication. Le Yaw Damper a une autorité limitée mécaniquement. Il ne peut pas déplacer la gouverne plus loin que les quelques degrés nécessaires amortir le roulis hollandais. Les graves pertes de contrôle constatées ne peuvent pas provenir d’une défectuosité de ce système. Faute de mieux, et dès 1971, plusieurs compagnies demandent à leurs pilotes de couper le Yaw Damper lors des décollages et des atterrissages. Les pertes de contrôle au ras du sol sont, de loin, les plus dangereuses.

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