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KLM 4805 et Pan Am 1736 – Cauchemar à Ténériffe

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Avec 583 victimes, l’accident de Ténériffe reste le plus grave de toute l’histoire de l’aviation. Il est important à étudier parce que riche en enseignements. Il montre, tout d’abord, à quel point le langage humain est faible. On le savait depuis Platon, mais on l’a redécouvert ce jour là. Plusieurs personnes peuvent parler de la même situation tout en ayant chacune une représentation différente.

Il montre encore comment le stress engendré par les retards et les modifications de dernière minute fausse le jugement des hommes les plus expérimentés et les pousse à commettre des erreurs lourdes de conséquences.

Il pointe enfin le doigt sur le problème des incursions involontaires sur les pistes. Problème pour lequel aucune solution satisfaisante n’a encore été trouvée jusqu’à nos jours. Chaque année, de nombreux accidents se produisent parce que deux avions se retrouvent en même temps sur une piste en service.

Les Canaries sont un archipel de 7 îles volcaniques situées dans l’Atlantique à une centaine de kilomètres des côtes Africaines. Elles furent découvertes et explorées par le navigateur français Jean de Béthencourt dès l’année 1402. Ce dernier étant vassal d’Henry III de Castille – dit Henry l’Infirme – les îles se retrouvèrent tout naturellement dans l’Empire d’Espagne.

Aujourd’hui, les Canaries restent une destination touristique privilégiée qui permet chaque année à des millions d’Européens et d’Américains d’échapper à la grisaille. L’aéroport le plus important est celui de Las Palmas situé au sud l’île de Ténériffe, la plus grande de l’archipel. Le second aéroport est celui de Los Rodéos, situé au nord de la même île mais beaucoup plus modeste en dimensions. C’est ce dernier qui sera le théâtre de cet accident.

Le dimanche 27 mars 1977, à 13:15, une bombe artisanale explose dans l’aéroport de Las Palmas le plongeant dans le chaos. Huit personnes sont blessées dans un magasin de fleurs. Un mystérieux correspondant appelant d’Algérie revendique l’attentat au nom du Mouvement pour l’Indépendance des îles Canaries et annonce qu’une seconde bombe est sur le point d’exploser quelque part dans l’aéroport. La menace est prise au sérieux. Ce mouvement terroriste berbère a déjà fait sauter les locaux de la South African Airways en janvier de la même année. La police fait évacuer les lieux et l’aéroport se retrouve paralysé. Aucun avion ne peut arriver ou repartir jusqu’à ce que les opérations de fouille soient terminées.

Les contrôleurs aériens annoncent la mauvaise nouvelle à tous les appareils en arrivée. Ils doivent tous changer leur destination et atterrir à l’aéroport de Los Rodéos situé 50 kilomètres plus au nord que celui de Las Palmas.

Pour l’équipage du vol Pan Am 1736, cette diversion est une très mauvaise nouvelle. L’appareil a décollé de Los Angeles en Californie la veille. Il a à son bord 365 passagers, des retraités pour la plupart, qui sont en route depuis près de 20 heures pour certains. L’équipage a été changé à l’escale de New York et a également hâte de finir ce vol. Le commandant de bord, Victor Grubbs, essaye de négocier avec le contrôleur aérien. Comme il a assez de carburant, il souhaite faire des tours en l’air en attendant que l’aéroport de Las Palmas soit rouvert. Comme ils n’ont aucune visibilité sur la durée de l’incident, la requête est déclinée et le Pan Am doit se résoudre à aller atterrir à Los Rodéos.

Il n’est pas le seul ! Ce petit aérodrome servant habituellement aux vols intérieurs voit affluer de nombreux appareils piégés par les évènements. Le petit parking est vite saturé, on ne sait plus où stationner les nouveaux arrivants. A l’entrée de la piste 12, il y a une zone d’attente. Plusieurs avions de ligne y sont quand le Pan Am vient également s’y placer.

Sur la même zone, un autre avion est arrivé un peu plus tôt. Il s’agit du vol KLM 4805 assuré par un 747 également. Ce vol est en provenance d’Amsterdam était aussi à destination de Las Palmas mais a du être dérouté vers Los Rodéos peu avant son atterrissage. Il transporte surtout des jeunes passagers dont 48 enfants qui viennent passer quelques jours au soleil des îles. Il est commandé par Jacob Veldhuyzen van Zanten, un instructeur Boeing 747 et une personnalité importante chez KLM. D’ailleurs, sa photo s’étale en couverture du magazine de la compagnie que les passagers peuvent trouver dans la pochette de leur siège. C’est van Zanten qui fait passer les tests en simulateur aux autres pilotes de la compagnie. Les jeunes copilotes sont toujours intimidés quand ils volent avec lui. Par contre, comme il passe le plus clair de son temps en simulateur, il n’est pas très à l’aise avec les procédures en vigueur sur les aéroports même s’il reste un as en terme de pilotage pur.

Les enfants commencent à s’impatienter et faire du tapage dans l’avion. Van Zanten appelle les Opérations et des cars viennent prendre les passagers pour les emmener au Terminal. Pendant ce temps, il s’interroge sur le temps de vol restant au vu de la réglementation. En effet, même s’il n’est parti qu’à 9:31 d’Amsterdam, le commandant de bord a accumulé beaucoup d’heures de vol ces derniers jours et a pris peu de repos. S’il continue de voler, il risque de se mettre en infraction. Depuis quelques années, et suite à des abus, KLM a mis en place une politique de tolérance zéro en ce qui concerne les dépassements des heures de vols réglementaires. Un pilote qui ne prendrait pas assez de repos, pourrait être personnellement poursuivi devant la justice. Pour en avoir le cœur net, le commandant utilise la radio haute fréquence pour contacter l’Officier des Opérations KLM à Amsterdam. Ce dernier consulte les plannings et lui explique qu’il peut voler au plus tard jusqu’à 18:30 heures locales. Au-delà, il doit prendre une nuit entière de repos.

Pour l’équipage du KLM, c’est une information qui laisse entrevoir un scénario détestable. Si l’aéroport de Las Palmas reste encore fermé pour quelques heures, ils devront interrompre le vol trouver un logement pour la nuit pour leurs 234 passagers turbulents. Dire qu’ils ne sont qu’à 50 kilomètres de leur destination !

Soudain, c’est le soulagement. Le contrôleur aérien annonce que, malgré de longues recherches, aucune bombe n’a été trouvée et que l’aéroport de Las Palmas ouvre enfin au trafic aérien. Les avions bloqués à Los Rodéos seront donc bientôt autorisés à décoller pour un saut de puce vers leur destination finale. Le photomontage suivant montre à quoi ressemblait l’aire d’attente à cet instant :

 

KLM 4805 et Pan Am 1736
L’affluence record oblige les avions à stationner à l’entrée de la piste
 

 

Il y a deux Boeing 747. Celui de KLM et l’autre de Pan Am derrière lui. Un y a aussi un 737, un 727 et un 707 à l’entrée de la piste 12. Tous sont pressés de partir.

Van Zanten demande à ce que l’on amène les passagers depuis le terminal. Pendant que les navettes vont à leur recherche, il se pose des questions sur la disponibilité du carburant à Las Palmas. L’aéroport est certes entrain d’ouvrir, mais le chaos y régnera pendant plusieurs heures encore. Il sera probablement difficile d’y obtenir du carburant pour rentrer rapidement à Amsterdam. Or, d’après ses calculs, il n’a pas assez de fuel pour faire le retour. Il décide donc de prendre du carburant avant de quitter Los Rodéos.

Les autres avions commencent progressivement à quitter l’aéroport depuis la piste 30. L’un après l’autre, ils rentrent en piste 12 puis la remontent jusqu’à l’autre extrémité puis font demi-tour et décollent.

Les portes du Pan Am sont refermées les passagers applaudissent ce départ imminent. Dans dix minutes, ils seront enfin à destination. Malheureusement, quand le commandant de bord demande l’autorisation de mise en route, le contrôleur l’informe qu’il ne peut pas partir pour le moment parce que le KLM attend du carburant tout en bloquant l’entrée de la piste 12. Dépité, le commandant Victor Grubbs appelle le KLM à la radio pour lui demander combien de temps prendront les opérations de ravitaillement.
– 35 minutes, répondra van Zanten sans la moindre nuance d’excuses dans la voix.

 

Boeing 747 PH-BUF et N736PA
Photo prise le jour de l’accident : au premier plan le KLM (PH-BUF) et au loin le Pan Am (N736PA)
 

 

Le copilote et le mécanicien du Pan Am descendent sur le tarmac et font le tour des avions pour estimer la distance restante et voir s’ils peuvent passer ou pas. Les deux hommes sont d’accord : il n’y a pas moyen de bouger tant que le KLM ne sera pas parti. Il faudra encore attendre. Pendant ce temps, la météo commence à se dégrader rajoutant encore une pierre à ce drame qui est entrain de se constituer. Les nuages gris sont en de plus en bas et la visibilité baisse inexorablement. Pendant que le KLM ravitaille tranquillement, l’équipage du Pan Am contient sa rage.

Quand le KLM décide enfin de bouger, le brouillard et la pluie fine sont déjà sur l’aéroport. Par endroits, la visibilité est inférieure à 300 mètres. La tour de contrôle autorise le KLM à entrer en piste 12 puis de la remonter jusqu’à l’autre extrémité et attendre les instructions. Quelques minutes plus tard, c’est le 747 de la Pan Am qui est autorisé à remonter la piste à son tour, mais de la quitter par la troisième intersection gauche. L’avion s’ébranle mais la visibilité est si dégradée que le contrôleur ne voit plus les deux Boeing et que ceux-ci ne se voient pas non plus.
Le contrôleur aérien rappelle le KLM :
– Combien de taxiways avez-vous passé jusqu’à maintenant ?
– Je pense que nous venons de passer le 4ème à l’instant
– D’accord, une fois en bout de piste, faites demi-tour et rappelez pour l’autorisation ATC

L’autorisation ATC comporte une série d’instructions qui sont données à un pilote avant le décollage pour lui indiquer les premières étapes de son vol. Elle comporte juste les premières manœuvres que le pilote doit effectuer une fois qu’il décolle. Elle est transmise aux avions dans les minutes précédent leur départ. Ce n’est en aucun cas une autorisation de décollage qui, elle, vient à part et indique explicitement au pilote qu’il peut décoller.

Voici un schéma de principe, il n’est pas à l’échelle, mais il permet de mieux situer les appareils et les dialogues :

 

KLM 4805 et Pan Am 1736 remontent la piste
Les deux appareils circulent sur la même piste mais le brouillard fait que le Pan Am ne voit pas ce que fait que le KLM devant lui.
 

 

Le contrôleur demande au Pan Am de quitter la piste par la troisième intersection à gauche. C’est seulement à ce moment qu’il autorisera le KLM à décoller en 30.

A son tour, l’équipage du Pan Am a du mal à s’habituer à l’accent du contrôleur local. Tout en étudiant la carte de l’aéroport, Grubbs rappelle plusieurs fois pour confirmer de quelle intersection il doit quitter la piste. La 3 ne semble pas très indiquée, elle exige de faire un virage de 135 degrés. En même temps, la quatrième intersection, quelques centaines de mètres plus loin, offre une meilleure possibilité de manœuvre vu qu’elle ne présente qu’un angle de 45 degrés. Le 747-100, avec ses 70 mètres de long et ses 60 mètres d’envergure, ne se laisse pas conduire comme un autocar.

Dans le brouillard dense, les intersections passent les unes après les autres. Elles ne comportent pas de panneaux de signalisation. Même s’il a des doutes sur les instructions données, l’équipage du Pan Am est résolu à prendre la première intersection à 45 degrés qui se présente. Quand l’intersection 3 surgit du brouillard, les pilotes du Pan Am se regardent. Plus que jamais, il leur semble improbable que ce soit celle-ci que le contrôleur a désignée. Ils continuent donc leur chemin bien résolus à sortir à la quatrième intersection.

Arrivé en bout de piste, la commandant van Zanten manœuvre avec prudence pour faire un virage de 180 degrés et aligne son avion sur l’axe de piste 30. Une fois qu’il a complété le demi-tour, il prend les manettes des gaz et les pousse. Il est 17:05 aux Canaries.

 

Le KLM fait demi tour et met plein gaz
17:05 Le KLM fait demi tour et met plein gaz
 

 

Les pilotes sont à 1 Km l’un de l’autre, mais le brouillard est très dense, ils ne se voient pas. Le régime des moteurs commence à peine à monter dans que le KLM que le que copilote s’écrie :
– Mais on n’a pas encore d’autorisation ATC !

En fait, il ne s’agit pas d’autorisation ATC, mais d’autorisation de décollage qu’ils n’ont jamais formellement reçu. Malheureusement, le copilote contacte la tour de contrôle et demande à recevoir l’autorisation ATC. Ne comprenant pas que l’appareil est sur le point de décoller, le contrôleur répond :
– KLM4805 vous êtes autorisés pour la balise papa, montez et maintenez le niveau neuf zéro. Après le décollage tournez au cap zéro quatre zéro jusqu’à intercepter le radial trois deux cinq vers le VOR de Las Palmas

Le contrôleur n’a pas fini sa phrase, alors que van Zanten a déjà lâché les freins. Les réacteurs sont à plein régime, le 747 bondit en avant et commence à redescendre la piste en accélérant. Le copilote confirme les instructions reçues et rajoute :
– Nous sommes maintenant au décollage
– Ok, maintenez, je vous rappellerai ! Répond le contrôleur aérien.

Les deux hommes ne parlent pas du tout de la même chose. Copilote signifie qu’il est maintenant entrain de réaliser l’action de décoller. Le contrôleur aérien comprend qu’il est entrain de lui dire qu’il se trouve dans l’aire de décollage de la piste. C’est-à-dire qu’il est arrêté en bout de piste sur les chiffres 30. La réponse du contrôleur ne dissipe pas le doute « maintenez » ou « stand-by » restent des termes vagues. Ils peuvent supposer que la personne arrête ce qu’elle est entrain de faire, comme ils peuvent supposer qu’elle doit poursuivre son action, donc la maintenir.

En plus de cette ambiguïté sur des termes qui peuvent avoir plusieurs sens, le fait de dire à un pilote ce qu’il doit faire une fois qu’il a décollé, ne signifie pas qu’il est autorisé encore à décoller.

Pire encore, lorsqu’il entend le début de l’échange entre le KLM et la tour, le commandant de bord du Pan Am prend immédiatement la radio et il annonce qu’il est encore sur la piste. Malheureusement, son émission tombe en même temps que celle de la tour de contrôle et les messages se brouillent mutuellement. Au lieu d’entendre :
– Ok, maintenez, je vous rappellerai

Le KLM reçoit seulement le mot « OK ». Le reste est inaudible.

Cela fait 20 secondes que le KLM est entrain d’accélérer quand le mécanicien de bord est pris d’un sérieux doute :
– Vous êtes sûr qu’il a bien quitté la piste ? demande-t-il aux pilotes

– Vous dites quoi ? Répond le commandant concentré sur son décollage
– Est-ce que le Pan Am a quitté la piste ?
– Oui, bien sûr ! Répondent les deux pilotes

Les pilotes du Pan Am remontent la piste avec une visibilité quasi-nulle et ne se sentent pas rassurés. Quelque chose de louche est entrain de se tramer dans le brouillard. Les derniers échanges radio laissent planer un pénible doute sur les intentions des uns et des autres.

Soudain, les pilotes du Pan Am voient des lumières qui se matérialisent puis se rapprochent en se renforçant. Le doute n’est plus permis :
– Il arrive ! Regarde ! Il arrive ce fils de pute ! S’écrie Victor Grubbs

 

Le brouillard réduit la visibilité
Image de synthèse : Les avions sont à vue alors qu’il est trop tard pour échapper à l’impact.
 

 

En même temps, il pousse les gaz à fond et braque à gauche dans l’espoir d’envoyer son appareil dans les champs et échapper à l’accident. Mais les quatre engins sont lents à réagir, il leur faut près de 9 secondes pour atteindre leur puissance maximale depuis le ralenti sol et plusieurs secondes encore pour vaincre l’inertie de l’appareil.

Le commandant van Zanten est soulagé de pouvoir décoller et terminer sa mission. Il a même l’impression que le brouillard diminue. Tout à coup, il voit le 747 de la Pan Am en travers sur la piste. Il est trop tard pour s’arrêter, l’impact est assuré. Dans un geste désespéré, il tire le manche à lui. Le 747 se cabre, mais n’a à peine pas assez de vitesse pour s’envoler d’autant plus qu’il a les réservoirs pleins. La queue gratte sur le béton en émettant des gerbes d’étincelles. Les roues commencent à peine à quitter le sol quand les deux appareils se percutent violemment.

Les réacteurs du KLM et son train d’atterrissage traversent la cabine passagers du Pan Am en broyant tout sur leur passage. Transformé en boule de feu, le 747 de KLM vole sur près de 150 mètres en trajectoire balistique et revient s’écraser sur la piste. Les réservoirs explosent à l’impact et des torrents de flammes et d’hydrocarbures engloutissent la cabine. Aucun occupant n’y échappera.

 

Distribution des débris sur la piste
Distribution des débris le long de la piste.
 

 

Dans le 747 de Pan Am, les pilotes baissent instinctivement la tête et une violente explosion retentit. Grubbs lève les bras pour atteindre les vannes qui permettent de couper les réacteurs de toute urgence. Il n’y a plus de vannes ! Au-dessus du cockpit, c’est l’air libre. Le toit a été arraché par le réacteur numéro 4 du KLM qui a évité les pilotes de justesse. Soudain c’est tout le cockpit et le pont supérieur qui s’écroulent sur les cabines de première classe situées dessous. Les pilotes se détachent et trouvent une issue dans la carlingue déchiquetée. Ils aident quelques passagers, puis le groupe s’éloigne pour échapper aux flammes.

 

Flammes après le crash
Seuls les premiers à fuir ont eu la vie sauve.
 

 

Dans la zone médiane de la cabine, la majorité des occupants furent tués sur le coup quand le train d’atterrissage et les réacteurs 2 et 3 du KLM balayèrent tout sur leur passage. Un homme est assis sur une rangé avec sa femme et ses amis venus tous de Californie. Il se détache tout en demandant aux autres d’en faire autant. Quand il se lève, ils sont encore à leurs places, les yeux ouverts et fixes. Ils sont tétanisés par le choc. Aucun n’a été touché, mais ils sont plongés dans une léthargie qui bloque totalement leurs cerveaux et leurs sens. Même s’il est plus facile à provoquer chez certains animaux primitifs, ce réflexe existe aussi chez les humains. Les flammes arrivent, l’homme décide de prendre la fuite. En se retournant, il voit son épouse et ses amis encore en place un instant avant que les flammes ne les engloutissent. Ce sera la dernière image qu’il aura d’eux.

Il est intéressant de constater que cet homme fut le seul de son équipe à avoir lu la notice d’urgence placée dans le dossier de son siège. Une partie de son cerveau était préparée au crash. C’est cette partie qui prit le contrôle quand la situation se dégrada. Comme un automate, il trouva les bonnes issues et les bons réflexes.

A l’arrière de l’avion, des passagers sont emprisonnés mais ne peuvent aller vers l’avant. La zone est détruite et en flammes. Quelques uns réussissent à échapper en sautant dans le vide depuis des portes situées à près de 7 mètres du sol. Ils auront quelques os fracturés, mais la vie sauve en échange.

Tous les survivants du Pan Am sont ceux qui ont réussi à fuir dans les 60 secondes après l’impact. Les autres n’auront pas leur chance.

Une forte explosion est entendue à l’aéroport. Le contrôleur aérien alerte les pompiers, mais n’a rien de précis à leur dire. Lui-même, depuis la tour, est totalement entouré de brouillard et ne voit ni les pistes, ni les voies de circulation. Soudain, un ouvrier arrive à la caserne et indique qu’il a vu un avion brûler. Les camions se mettent en route sur le champ mais doivent avancer lentement à cause de la visibilité dégradée et des nombreux avions de ligne stationnés dans des endroits inhabituels. Enfin, ils trouvent une section d’avion en feu, il s’agit du KLM. Ils attaquent l’incendie dont les flammes montent très haut dans le ciel.

La chaleur dégagée réchauffe l’air et disperse progressivement les bancs de brouillard. Le second avion, celui de la Pan Am est aperçu. Les pompiers concentrent tous leurs efforts dessus. Pour le KLM, immatriculé PH-BUF, il n’y a plus aucun espoir. Ses restes brûleront jusqu’au lendemain matin.

Il y a 583 victimes. Une personne échappera à la mort dans le KLM, une guide touristique qui avait décidé de ne pas reprendre le vol pour Las Palmas. Du Pan Am, 70 personnes blessées à des degrés divers sont sauvées y inclus les pilotes.

Les enquêteurs s’efforceront à reconstituer le déroulement de cet accident dans ses moindres détails. Chaque petit évènement a pris part au résultat final. Beaucoup d’incidents, d’erreurs et d’imprudences pris isolément sont bénins et incapables de provoquer un accident. Il a fallu qu’ils se réunissent tous ce jour là pour que cette catastrophe arrive.

L’alerte à l’aéroport de Las Palmas, la météo, la décision du contrôleur aérien de mettre deux avions sur la même piste par visibilité nulle, son Anglais médiocre, la décision de Van Zanten de prendre du carburant, son rôle important chez KLM, la réticence des autres à remettre en cause ses décisions, son temps passé au simulateur, le stress du commandant du Pan Am, la durée de son vol, la nature de ses passagers, sa décision de ne pas tourner au taxiway 3, son émission simultanée sur la fréquence en même temps que le contrôleur parlait au KLM, les bretelles de taxiways sans signalisation de leur numéro… il a fallut tout ça, et peut-être plus encore, pour que se produise le pire accident d’aviation de tous les temps.

2 COMMENTS

  1. C’est après cet accident que l’aéroport sud de Tenerife a vu le jour:”le Reina Sofia”,en bord de mer et avec une grande visibilité. Gando l’aéroport de l’île de las Palmas accueille de nombreux gros avions depuis longtemps. Los Rodeos est encore utilisé, mais souvent dans la brume.
    L’attentat des séparatistes canariens à l’aéroport de Las Palmas est la première cause de ce malheureux accident

  2. L’aéroport de Las Palmas est sur une autre île que Los Rodeos (Aujourd’hui “Ténérife Nord”).

    Si Los Rodeos et Las Palmas avaient été sur la même île, les compagnies auraient pu se débrouiller pour les acheminer autrement sans perdre de temps.

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