Le feu à bord d’un avion a toujours des conséquences catastrophiques. Même si les occurrences sont rares, elles ne laissent aucune chance aux pilotes. Entre le moment où le problème est perçu et le moment où l’avion n’est plus contrôlable, il ne se passe que quelques minutes dans le meilleur des cas.
Les pompiers représentent souvent le feu par un triangle comportant un produit inflammable, de l’oxygène et une source de chaleur. Il est admis qu’en l’absence de l’un de ces éléments, le feu ne peut pas commencer ou s’entretenir. Ce modèle est appliqué aux incendies conventionnels mais ne rend pas compte de situations particulières que l’on peut rencontrer dans des milieux plus spécifiques.
Le carburant ou l’huile à bord des avions ne sont pas inflammables à température ambiante. Par contre, à chaud, ils peuvent prendre feu spontanément, c’est-à-dire sans même avoir besoin d’étincelles ou d’autre source d’ignition. Ce phénomène survient à la température d’auto-inflammation. Par ailleurs, certains composés chimiques, possèdent au niveau moléculaire des atomes apparentés et à différents degrés d’oxydation. Les uns peuvent agir comme oxydants et les autres comme réducteurs. Sans même avoir besoin d’éléments externes, ces composés peuvent, sous certaines conditions, dégager de formidables quantités d’énergie et provoquer du feu ou des explosions. Il s’agit, en principe, de produits dangereux interdits à bord.
Dans un avion de ligne, le seul endroit où il y a du feu ce sont les chambres de combustion des réacteurs. Ces derniers, en cas de problèmes, peuvent même émettre des flammes de leurs tuyères sans pour autant représenter un danger. Ce sont des zones dites « chaudes » et conçues pour supporter le feu. Néanmoins, il reste toujours les cas des pannes dites non contenues, où des ailettes de turbine ou de compresseur peuvent être projetées contre les réservoirs et provoquer des fuites de carburant (voir Concorde).
La cabine, peut être divisée en trois zones. La partie habitable peut être sujette à des feux d’origine humaine, mais qui restent accessibles et éteignables. De plus, les sièges, la moquette et les autres garnitures ne sont pas, par conception, des vecteurs de flammes. Le risque dans cette zone est donc limité. La soute à bagages, est un endroit plus sensible. Elle comporte les bagages des passagers et du fret. Malgré toutes les mesures de sécurité, il arrive que des opérateurs peu scrupuleux tentent de faire voyager des produits interdits ou soumis à des restrictions. C’est ainsi que le ValuJet 592 fut victime d’un transport illicite de canettes génératrices d’oxygène à l’aide d’une réaction pyrotechnique. Les cartons avaient été placés en soute par le service de maintenance de la compagnie pour qu’ils soient jetés dans un autre Etat n’exigeant pas de payer des taxes de recyclage. Ce crash avait fait 110 morts et ne laissa aucune chance aux pilotes. Seulement quelques minutes après la détection des fumées dans le cockpit, l’intérieur de cabine était en flammes et l’appareil incontrôlable. De nos jours, les avions les plus modernes disposent de détecteurs de fumée en soute donnant plus de temps de réaction en cas d’incendie. L’autre zone dangereuse, est constituée par la partie de l’avion située entre le fuselage et les garnitures en matériaux composites formant la paroi intérieure de la cabine. Dans cette partie passent près de 150 kilomètres de fils électriques en moyenne ainsi que des isolants thermiques et sonores.
Le vol Swissair 111 (MD-11) fut victime d’un incendie due à une surcharge électrique dans cette partie de l’avion. Le feu couva pendant de longs moments sans être correctement détecté puis reflua vers cockpit qui se transforma en fournaise en quelques secondes. Ce drame avait 229 morts ; c’était en septembre 1998.
L’idée principale dans le thème de la protection contre l’incendie, est basée sur le fait que celui-ci ne doit jamais survenir. Les matériaux utilisés sont, aussi loin que l’on puisse en juger, non inflammables. Malheureusement, ce critère d’inflammabilité est on ne peut plus vague. Il dépend de certifications qui elles-mêmes sont basées sur des tests précis en laboratoires. L’échantillon est soumis à des flammes normalisées, arrivant sous certains angles et persistant pendant un certain temps. Si le matériau passe ce test, il est validé comme l’ont été les isolants qui ont pris feu dans le Swissair 111. Les conditions réelles d’utilisation, la combinaison avec d’autres facteurs ainsi que l’usure et le vieillissement peuvent profondément changer le comportement d’un matériau vis-à-vis du feu.
Comme d’habitude, quand toutes les autres protections ont cédé, c’est le pilote qui se retrouve avec le problème sur les bras et quelques instants pour prendre une décision de non retour. Les équipages sont formés pour avoir des réactions mesurées et conséquentes. Il arrive souvent que des avions atterrissent d’urgence suite à des fumées sorties du système de conditionnement d’air. L’avion n’en est pas pour autant menacé. Par contre, quand un vrai incendie se déclare à bord, il y a très peu d’options.
La partie 25 des FAR, définit les règles de navigabilité applicables aux avions de transport public civil. L’article 854 exige l’installation d’un détecteur de fumée dans les toilettes ainsi que d’un système d’extinction automatique pour les poubelles. Un peu plus loin, l’article 857 définit cinq types de compartiments cargo ou bagages en fonction de leur accessibilité en vol. Pour les classes A et B, il est possible à un membre d’équipage de constater l’incendie et de l’éteindre. Dès la classe C, le compartiment n’est pas accessible et doit être muni d’un détecteur de fumée ainsi que des moyens intégrés d’extinction. De plus, rien n’interdit à des constructeurs ou des opérateurs d’installer plus de dispositifs pour améliorer la sécurité.
Un des problèmes posé aux constructeurs était de créer des systèmes de détection sans fausse alertes. Ceci est loin d’être réalisé de nos jours. La conception des appareils, leur usure ainsi que l’entretient sont des facteurs importants. La loi exige que l’alarme soit donnée au maximum 60 secondes après l’exposition du détecteur aux fumées. Hors, les technologies actuelles ne permettent pas l’élaboration d’une détection positive à 100% en si peu de temps. Airbus avait souhaité pouvoir allonger ce délai à 2 minutes en échange d’une réduction importante des fausses alertes. Cependant, dans des situations où chaque seconde compte, cette proposition n’a pas été retenue. Ceci est peut être malheureux, dans le sens où pour que la réaction soit rapide et énergique, il est vital que les pilotes aient une confiance absolue dans le système de détection. De nos jours, les équipages peuvent perdre plusieurs minutes rien qu’à confirmer l’alarme alors que l’incendie progresse.
Les zones de la cabine où il n’y a pas de fret, ne sont pas équipées de détecteurs et ne sont pas tenues d’en avoir. Rien n’interdit, par exemple, la reproduction d’un accident comme celui du Swissair 111. Sur les Airbus, la soute électronique située sous le cockpit dispose d’un détecteur de fumée même s’il n’est pas obligatoire.
Quand le pilote réagit agressivement et provoque un atterrissage d’urgence et une évacuation sur fausse alerte, il est montré du doigt. Le 9 septembre 2005, une fausse alerte à la bombe provoqua l’évacuation d’un Boeing 747 de Saudian Airlines à l’aéroport de Colombo au Sri Lanka. Il eut 70 blessés, 1 mort et de nombreux dégâts. Ceci prouve qu’une évacuation n’est pas jamais sans conséquences.
Au contraire, quand les équipages prennent le temps de confirmer l’incendie, s’il y en a réellement un, ils sont critiqués pour leur inaction. Les pilotes du Swissair 111 avaient à peine le temps de se poser une fois qu’ils avaient détecté la fumée dans le cockpit. Par contre, c’est en cherchant à obtenir confirmation qu’ils ont perdu un temps précieux. Quand le feu émergea dans le cockpit, la question ne se posait plus, mais en même temps, il était trop tard pour faire quoi que ce soit. Pour les avions gros porteurs, subsiste la question de la masse maximale à l’atterrissage. Quand un de ces appareils décolle à pleine charge, il ne peut pas atterrir quelques minutes plus tard si un problème survient. La masse maximale au décollage est bien supérieure à celle qui est recommandée pour l’atterrissage. Par contre, ceci ne signifie jamais qu’un avion doit être considéré comme trop lourd pour atterrir. Les normes de certification définissent dans le FAR 25.473 les vitesses verticales que doit supporter un avion quand ses roues touchent la piste. Ainsi, la masse maximale à l’atterrissage est définie comme la masse qui permet un impact de 10 pieds par seconde sans provoquer de déformation permanente. Par contre, même à la masse maximale de décollage, l’avion est sensé pouvoir atterrir et supporter une vitesse verticale de 6 pieds par minute.
Dans les faits, un Boeing 747 ou un MD-11 qui atterrit trop lourd peut faire surchauffer les freins ou éclater les pneus. Il exigera probablement plusieurs heures de contrôles et de maintenance pour pouvoir reprendre l’air. Dans un cas extrême, il peut être victime d’une rupture de train d’atterrissage ou d’une sortie de piste avec une facture de 6 ou 7 chiffres de frais réparations. Ceci est à rapprocher des conséquences autrement plus désastreuses avec une perte totale de l’appareil et ses occupants. Encore une fois, il faut être sûr qu’il y a le feu.