Le feu à bord est à l’origine des pires accidents d’aviation. Un feu non contrôlé à bord signifie qu’il reste très peu de temps de vol. Ce temps est de quelques minutes tout au plus. Chaque compagnie a ses procédures en cas d’incendie à bord. La meilleure procédure serait probablement d’atterrir n’importe où, n’importe comment et d’évacuer dès que les roues s’arrêtent de tourner.
L’incident du Lockheed L-1011 TriStar 200 de la Saudi Arabian le 19 août 1980 à l’aéroport de Riyadh King Khaled est une triste illustration. C’est l’un des accidents les plus terribles de l’histoire de l’aviation avec un bilan de 301 morts, soit la totalité des occupants de l’appareil.
Les circonstances exacts sont encore controversées, mais l’accident, même arrivé il y a plus de 25 ans, reste riche en enseignements.
Le Lockheed Tristar L-1011 ((dit “ten eleven”) est un long courrier très en vogue dans les années 70 et 80. C’était une alternative intéressante au Boeing 747 et un concurrent du DC10 qui donnera plus tard MD-11.
Le 19 août 1980, en fin d’après midi, l’appareil arrive de Karachi (Pakistan) et atterrit d’abord à Ryad qui n’est qu’une étape dans son plan de vol. A 18:08 locales, il décolle vers sa destination finale, Djeddah, plus au Sud. C’est un vol intérieur par une météo estivale et aucun incident n’est à signaler. Il y a à bord 287 passagers et 14 membres d’équipage. Dans le cockpit, il y a le commandant de bord, le copilote et le mécanicien de bord.
A 18:20, alors qu’il passe le niveau 220, une alarme fumée compartiment cargo C3 (antérieur) se déclanche.
A partir de cet instant, l’équipage a été beaucoup critiqué. Leurs faits et gestes ont certainement du faire la différence. En tout cas, à leur décharge, ils n’ont pas perdu de temps à faire demi-tour. Immédiatement, l’appareil est dirigé vers l’aéroport d’où ils vient de décoller (Riyadh).
A 18:22, de la fumée commence à entrer dans la cabine passagers et un mouvement de panique commence. Le personnel de bord fait son possible pour calmer les esprits.
Cinq minutes après l’alarme, à 18:25, c’est le feu qui arrive en cabine passagers alors que le réacteur numéro 2 n’est plus contrôlable. Ses câbles ont été endommagés par le feu et il sera même arrêté un peu plus tard. Le Tristar a 3 réacteurs et le numéro 2 est celui qui se trouve tout à l’arrière. Sa perte n’est pas très dommageable lors d’une approche, et à tout prendre, est moins grave que la perte d’un moteur situé sous l’aile.
A 18:27, le commandant de bord utilise l’interphone pour demander aux passagers de rester assis. En effet, il y a du mouvement en cabine et la panique est de plus en plus difficile à gérer par le personnel naviguant commercial (PNC).
En approche finale, après avoir arrêté le moteur 2, le commandant de bord va prendre une décision qui va sceller son sort et celui de 300 personnes sous sa responsabilité. Que chaque lecteur donne un nom à cela.
Le commandant demande simplement à l’équipage de ne pas faire évacuer l’appareil. Le Tristar atterrit à 18:36 et au lieu de faire un freinage d’urgence, il continue à rouler tranquillement le long de la piste. Le commande contacte la tour de contrôle et explique qu’il va arrêter l’appareil et faire une évacuation.
Les moteurs sont arrêtés à 18:42, soit 6 minutes après l’atterrissage. Normalement, si tout avait été fait dans les règles, à 18:42 l’avion aurait du être vide déjà.
Il n’y a plus aucune communication depuis l’avion qui est arrêté en bout de piste. Le contrôleur aérien envoit l’équipement d’urgence et les services de secours s’emploient à ouvrir les portes. A 19:05, la porte 2R est enfin ouverte. L’intérieur est totalement enfumé et il n’y a plus le moindre de signe de vie. Trois minutes plus tard, l’incendie envahit la cabine et oblige les secouristes à reculer. Les flammes consomment l’appareil et le toit commence à fondre. Malgré les lances à incendies, toute la cabine de l’appareil est consommée.
Tous les corps sont retrouvés dans la partie avant de l’appareil. Il n’eut aucun survivant. A ce jour, c’est le plus grave accident ayant jamais eu lieu en Arabie Saoudite. C’est, également, l’accident le plus grave causé par du feu à bord.
Autre possibilité
On a souvent évoqué l’absence d’entrainement et de formation de cet équipage. Les trois membres d’équipage de conduite avaient un passé de problèmes cognitifs et le mécanicien de bord confondait souvent sa gauche et sa droite et souffrait de dyslexie. Durant l’approche, il paniqua et ne put jamais sortir les bons documents de ses classeurs.
Quelque soit leur formation et leur niveau d’entrainement, on peut accepter sans démonstration que ces gens ne se seraient jamais laissé tuer par les flammes sans prendre la fuite. Rappellons que l’avion est au sol. Il suffit de deux secondes pour ouvrir un hublot et une autre seconde pour sauter.
Il est clair que le commandant de bord a sous estimé l’ampleur de l’incendie. Ils le sous-estiment toujours les pilotes, plusieurs accidents le démontrent. Néanmoins, même s’il a sous-estimé, ou même très sous-estimé, l’ampleur de l’incendie, le commandant, le copilote… auraient au moins ouvert un hublot. Par ailleurs, même si le commandant ne leur avait pas ordonné d’évacuer, ou leur avait même ordonné le contraire, les PNC aurait certainement tenté d’ouvrir les issues de secours une fois que la situation devenait intenable. Elle était déjà intenable en vol.
Un petit dessin pour comprendre:
L’avion décolle de Ryadh (OERY) qui se trouve à une altitude de 2082 pieds. Il a pour destination Djeddah (OEJN) qui se trouve au niveau de la mer avec une altitude de référence de 48 pieds. En vert (1) ont voit le trajet tel qu’il était planifié et en rouge (2) ce qui a été réellement effectué.
L’avion était au niveau 220 à 18:20 et il avait atterrit 16 minutes plus tard. Le mécanicien de bord s’était occupé durant toute la crise à chercher les check-lists feu à bord et il ne les a jamais trouvées. Il se répétait tout le temps “pas de problèmes, pas de problèmes”. Le copilote n’a pas du tout participé et avait peu d’expérience sur ce type d’avion. Pendant ce temps, l’altitude cabine était programmée pour un atterrissage à Djeddah, soit une altitude de 48 pieds. Si c’est le cas, à l’arrivée à Riyadh, la cabine est à 48 pieds alors que le pression dehors correspond à 2082 pieds. La pression dans la cabine est trop élévée et le différenciel ne permet pas de manoeuvrer les portes ni les hublots mobiles du cockpit.
On peut même aller plus loin: si le mécanicien naviguant ou des pilotes avaient cherché à changer l’altitude cabine pour l’adapter à la réalité, rien ne dit que le système était en état de répondre et de tenir effectivement compte de l’ordre.
La cause du feu n’a elle-même jamais été établie.