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Erreur de Pilotage Lors du Virage en Finale

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Voici l’erreur de pilotage la plus meurtrière parmi les pilotes privés. Elle est facile et très intuitive à commettre. Quand la séquence se réalise en entier, il n’y a plus moyen d’y échapper. Si vous ne deviez lire qu’un seul article dans tout ce site, ça serait celui-ci. Je vais tout faire pour le garder simple afin qu’il soit profitable aux débutants également.

Voici comment les témoins racontent l’accident : «Il arrivait en finale et soudain l’avion s’est retourné sur le dos et il a perdu de l’altitude ! ». Des fois, des témoins suggèrent un problème de turbulence de sillage et souvent l’accident restera catégorisé ainsi dans les mémoires. Pourtant, il ne s’agit pas de turbulence de sillage et vous pouvez trouver ce genre d’accident sur des terrains avec des pistes qui n’ont jamais vu plus gros qu’un monomoteur de tourisme.

Avant d’aller plus loin, je vous invite à réfléchir à cette questions technique : vous êtes dans un avion de tourisme en vol stabilisé et vous enfoncez le palonnier gauche, l’avion s’incline à gauche. La question : pourquoi il ne s’incline pas à droite ? Il devrait pourtant…

Quand on regarde les surfaces mobiles d’un avion (ailerons, profondeur) il est d’usage que lorsqu’une gouverne va dans un sens, le plan qui la soutien tourne dans le sens opposé. Voici des images pour illustrer ceci :

Ailerons :

Profondeur :

La ligne fine vous donne une meilleure visibilité de l’angle de la gouverne de profondeur qui est nettement levée. Le stabilisateur horizontal a tendance à aller vers le bas et le nez de l’avion se cabrer. Dans ce cas aussi, le mouvement d’une gouverne dans un sens, va provoquer une rotation dans le sens opposé.

Mais direction :

L’avion va tourner dans le même sens que le déplacement de la gouverne de direction !

Plus loin…
La gouverne de direction, comme toutes les autres surfaces, provoque une force et donc un moment qui a tendance à donner une rotation dans le sens opposé au déplacement de la gouverne.

Quand on donne du palonnier à gauche, il y a deux effets qui vont, presque immédiatement , entrer en conflit :

– Le moment de la gouverne qui a effectivement tendance à faire incliner l’avion à droite
– L’asymétrie créée qui a tendant à faire incliner l’avion à gauche

L’asymétrie l’emporte. L’asymétrie l’emporte toujours.

Peu de pilotes privés en formation aiment à entendre parler d’asymétrie. Le mot est compliqué et laisse penser à des choses difficiles. De plus, quand on explique cela avec des vecteurs, ça devient très vite confus surtout quand l’instructeur n’a pas assez de couleurs pour le tableau !

Pourtant, les effets de l’asymétrie sont très puissants : l’asymétrie dégrade gravement les performances de vol et donne des effets très surprenants.

Le crash, vu du cockpit
Le pilote arrive en vent arrière comme indiqué sur la carte suivante :

Plus le vent est fort, plus il va créer de déviation en étape de base. Si le pilote ne tient pas compte du vent qu’il prend de travers, il va être déporté comme l’indique la trajectoire en rouge. S’il corrige le vent, il sera sur la trajectoire en noir. Cependant, que la correction soit faite ou non, le virage pour tourner en final n’est jamais de 90°. C’est un angle droit vu sur la carte, mais l’avion n’évolue pas sur une carte mais dans l’air. Pendant que l’avion est entrain de tourner en finale à faible vitesse, le vent soufflant de travers va venir lui retirer des degrés.

Si le pilote adopte l’inclinaison qui en l’absence de vent lui donne un taux 1, il aura dans les faits, un taux bien inférieur. Il s’attend à faire les 90° de virage en final en 30 secondes, mais 30 secondes après, il n’a peut être fait que la moitié de son virage. A ce moment, si en plus le vent a encore une petite composante en arrière, alors le pilote va voir qu’il est entrain de rater son axe de piste.

Rater un axe de piste, n’est pas dramatique en soi. Il suffit de remettre les gaz, de faire un tour de piste et de revenir atterrir. Pourtant, beaucoup de pilotes en situation sont prêts à prendre tous les risques pour rattraper une approche et éviter la remise des gaz. On est en plein facteurs humains, la remise des gaz coûte des minutes de vol, peut inquiéter les passagers, toucher à l’estime du pilote qui peut la percevoir comme un échec… Voici un exemple de crash où le pilote a voulu éviter une remise de gaz à tout prix.

Notre pilote va donc avoir tendance à serrer son virage pour ne pas rater l’axe de piste. Au début, il incline l’avion de plus en plus, mais quand l’inclinaison commence à devenir importante et toujours insuffisante, on rentre dans la deuxième phase de l’erreur de pilotage.

Le pilote va appuyer un peu plus sur le palonnier à gauche pour « aider » un peu l’avion tout en continuant à observer la piste au dehors. Le coup de palonnier en trop va créer une dissymétrie en virage et à basse vitesse, donc d’autant plus grave. Quand le coup de palonnier est donné à gauche, l’avion à tendance à s’incliner plus à gauche. Pour éviter d’augmenter son inclinaison, le pilote va tourner le manche un peu à droite.

L’axe de piste fuit toujours ! Le pilote appuie encore sur le palonnier à gauche et continue à tourner le manche à droite afin de maintenir l’inclinaison.

Au bout d’un moment, la situation est la suivante : L’avion est incliné à gauche, le palonnier gauche est enfoncé, mais le manche est braqué à droite ! C’est une situation d’extrême instabilité.
A un moment donné, sans le moindre signe avant coureur l’avion va très rapidement s’incliner à gauche et passer pratiquement sur le dos. Le mouvement est très brutal et de loin – comme de près – ressemble au mouvement d’un petit avion pris dans des turbulences de sillage.

Il est évident qu’un fois dans cette situation, il n’y a plus beaucoup d’options : l’altitude est faible, la vitesse est faible, les volets sont sortis et l’attitude inusuelle.

Beaucoup de pilotes dans cette situation, ont encore un dernier geste qui consiste à tirer sur le manche. Ceci fait piquer l’avion vers le sol et donne des impacts pratiquement à la verticale avec une vitesse très élevée au moment du choc.

Sur le terrain, les témoins voient l’avion passer sur le dos et piquer vers le bas, ont la certitude de se retrouver devant un cas de turbulence de sillage.

Juste un peu de théorie :
Le mouvement qui envoie l’avion sur le dos a un déclencheur et un facteur aggravant. Le déclencheur est la vitesse. Quand la vitesse baisse, l’effet des ailerons est fortement affaibli. En effet, l’aile sous haute incidence « cache les ailerons » qui se retrouvent dans une zone « d’ombre aérodynamique ». A basse vitesse, il faut des mouvements d’ailerons de plus en plus amples pour contrôler l’appareil. Par contre, l’efficacité de la gouverne de direction est encore forte même à base vitesse. Sur les bimoteurs est elle encore plus forte (surdimensionnement pour pannes moteur). Il y a une vitesse en dessous de laquelle, le braquage des ailerons, même total, ne suffit pas à balancer le braquage de la gouverne de direction.

Le facteur aggravant est le suivant : on démontre en aérodynamique qu’une aile qui baisse « voit » sont incidence augmenter. Ceci sera discuté dans un autre article, mais en général, cette augmentation est un facteur de stabilité à vitesse normale, mais un facteur d’instabilité au vol aux grandes incidences. En effet, une aile qui vole à haute incidence qui se met à s’enfoncer part immédiatement en décrochage et s’enfoncera encore de plus en plus vite.

Il est très important d’avoir conscience de cette erreur de pilotage qui peut survenir à chaque fois qu’on fait un tour de piste avec un vent très fort. Cette erreur est malheureusement très répandue.

Merci de votre lecture et du bon usage que vous ferez de ces informations.

2 COMMENTS

  1. Merci de ces infos. Il y a en matière de pilotage, beaucoup de phénomènes totalement contre-intuitifs et ceux-là en font partie, de toute évidence.
    Pour peu que l’on soit un pilote débutant qui doit encore penser de manière séquentielle à la suite des mouvements à effectuer, il n’en faut pas plus et même beaucoup moins pour créer une situation de haute perturbation psychologique propre aux erreurs fatales.
    Au diable la fièrté! dans un tel cas, je refais un tour de piste !
    G.D

  2. 2 hypothèses la première peut-être que le pilote inexpérimenté n avait pas assez heures de vols , la seconde la confiance en sois en raison de l expérience acquise , habitué a faire des folies se comportant avec l avion comme sa seconde nature hélas en aviation l habitude tue

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