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Egyptair MS804 : Terrorisme ou perte de contrôle ?

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Alors que les premiers débris de l’Airbus d’Egyptair sont en cours de récupération, la question d’un attentat se pose de manière de plus en plus lancinante. C’est l’époque qui veut cela. Les gens s’attachent à la cause dite « la plus probable ». Les avions ont atteint un tel niveau de sécurité, que si l’un d’eux tombe brutalement depuis son altitude de croisière, personne ne peut chasser de son esprit l’idée presque taboue de la « bombe ».

Or, si bombe il y a, elle a été probablement embarquée à l’aéroport de départ : donc Paris Charles de Gaulle. En soi, cette notion n’est pas étonnante. Les aéroports parisiens – et celui-ci en particulier – sont connus pour employer des personnes listées dans les fiches S de la DGSI. Même si on peut se retrouver avec une telle fiche pour simple hooliganisme, ce ne sont pas les fans excités des clubs de foot qui posent les bombes. Plus de 50% des fiches S concernent des djihadistes et assimilés. C’est-à-dire des gens dont le projet existentiel est justement de tuer du monde par tous les moyens. Leur propension à utiliser des avions pour cette fin n’est plus à démontrer.

 

Roissy-Fiches-S-1

 

Pour la théorie de la bombe, il y a l’opportunité, le climat géopolitique, les précédents, la séquence du crash… L’attentat expliquerait à merveille ce que nous savons déjà. Mais nous savons très peu de choses…

Pourtant : si un terroriste infiltre une bombe à Paris, il va probablement se retrouver avec de nombreux avions qui représentent des cibles plus prioritaires pour sa mouvance qu’Egyptair. L’Egypte est un pays menacé par le terrorisme et ils subissent des attentats de diverses ampleurs chaque semaine. Par contre, si un djihadiste frappe à Paris, il aura certainement des cibles occidentales plus tentantes pour le simple fait qu’il les a plus rarement dans son collimateur.

Autre point : le moment où l’avion est perdu, n’est pas un moment anodin. C’est juste après son entrée dans la zone de responsabilité du contrôle aérien d’Egypte (FIR). Quand on observe les avions d’Egyptair à destination du Caire, on constate que c’est autour de ce point qu’ils commencent leur descente.

 

Retour sur un autre vol :

La dernière fois que cet Airbus immatriculé SU-GCC a fait un vol complet Paris – Le Caire c’était dans la nuit du 16 au 17 mai 2016. Le vol portait toujours le numéro 804. En résumé : il volait aussi au niveau 370. Il a commencé sa descente à 01:17 et a atterrit au Caire à 01:42 soit 25 minutes plus tard.

Le jour du crash : le vol était au niveau 370 et l’estimée (ETA) d’atterrissage pour le Caire était à 01:10 UTC (UTC = Temps Universel). Ces avions suivent des plans de vol qui sont chargés en mémoire et répétés presque à l’identique à chaque fois. On peut donc imaginer qu’il commença sa descente 25 minutes avant l’heure prévue d’arrivée, soit à 00:45 UTC.

00:45 UTC c’est exactement l’heure à laquelle il disparait des radars.

Donc l’avion commence sa descente au moment précis où il devait le faire. Sauf qu’au lieu de descendre progressivement, il tombe comme une pierre jusqu’à l’impact avec la mer.

Egypt-air-previous

 

La bombe :

Pourquoi une bombe resterait-elle tranquille tout le long du vol mais exploserait justement au moment où l’équipage engage la descente ?

  • Bombe connectée sur les systèmes de l’avion : celui qui veut le faire, sait le faire et peut le faire n’est pas encore né et il est fort probable qu’il ne naîtra jamais.
  • Bombe barométrique qui explose selon la pression de l’air : l’Airbus est un avion pressurisé donc la pression à l’intérieur n’est pas nécessairement un reflet fidèle des évolutions extérieures de l’avion. Ce type d’engin, même s’il est théoriquement possible, reste en dehors des compétences des terroristes habituels.
  • Bombe chez un passager kamikaze : ce dernier attend que l’hôtesse annonce le début de la descente sur le Caire et boom ! Pourquoi il ne l’a pas fait avant alors que l’appareil évoluait sur des villes européennes ? Ou peut-être que pris d’un remord / peur il n’a pas voulu faire sauter l’engin puis apprenant le début de la descente, il a compris que c’était soit maintenant, soit jamais ?

La concomitance de cette supposée « bombe » avec un moment important du vol pose plus de problèmes qu’elle n’en résout.

 

Perte de contrôle ?

Si ce n’est pas une bombe, c’est quoi ? Un avion tombe comme une pierre au moment où les pilotes doivent commencer une descente en vue de l’atterrissage : ça crie, ça hurle même, perte de contrôle. Ce n’est pas facile de perdre le contrôle d’un Airbus, mais c’est possible. Il suffit de mélanger une petite panne, une erreur de maintenance et une erreur de pilotage et cela devient crédible.

Le 27 novembre 2008, un Airbus A320 d’XL Airways (D-AXLA) s’est écrasé en mer au large de Perpignan tuant les 7 occupants. En vol de test, le pilote avait tenté une manœuvre à faible vitesse pour valider les protections de décrochage de l’avion. Problème : elles ne fonctionnaient pas ce jour-là. Enfin, pire : deux sondes de mesure d’angle d’attaque était bloquées par le givre et la troisième fonctionnait normalement. Gelées de la même manière, les deux sondes donnaient la même fausse valeur et la troisième – la seule qui fonctionnait – donnait une autre valeur correcte. Le système a comparé : deux sondes en accord et une qui dit autre chose. C’est cette dernière qui a été exclue de la boucle. En quelques secondes, la vitesse de l’Airbus passa à 99 nœuds et il s’écrasa en mer. Si on imagine une perte de contrôle similaire avec l’Egyptair, de nuit, même depuis 37000 pieds (peut-être surtout depuis 37000 pieds), rien n’aurait garanti que les pilotes aient pu le récupérer. Ceux de l’Air France 447 (A330 – F-GZCP) qui s’est abimé en mer lors d’un vol de nuit depuis Rio, n’avaient rien pu faire. Leur avion est tombé depuis 38000 pieds pendant 3 minutes 30 et jusqu’au moment de l’impact, les pilotes n’avaient même pas commencé à comprendre ce qui s’était passé. Pourtant, la perte de contrôle, était théoriquement récupérable.

La perte de contrôle est possible, mais il faut y participer. La descente se fait habituellement au pilote automatique et sauf esprit d’aventure exceptionnel, un pilote ne va pas prendre les choses en main pour tenter une recette spéciale avec un avion plein de passagers (mais ça s’est vu).

Les enregistreurs de vol auront le dernier mot.

 

21 COMMENTS

  1. Merci pour l’analyse, espérons qu’on retrouve les boîtes noires pour avoir le fin mot de l’histoire. Mais si c’est une bombe pourquoi la liaison du transpondeur a été interrompue 8 min. avant la chute? (si j’ai bien compris) Maintenant on nous parle d’un incendie dans la soute et les toilettes, est-ce qu’un incendie peut couper toutes les communications avant qu’un message d’alerte soit envoyé?? Ou une partie de l’équipage était complice? (comme l’avance CNN). Ces crash mystérieux sont fascinants, tenter de les expliquer c’est comme résoudre le mystère de la vie et de la mort, des énigmes de sphinx.

  2. Bonjour,

    Commentaire extrêmement séduisant car convaincant. Pour la supposéebombe, votre analyse est juste sauf que vous excluez une bombe dotée d’un simple système de retardement type horloge.
    Ce qui me fait le plus tiquer pour une bombe est l’absence connue, du moins pour le grand public, de revendications. Assez surprenant.
    Wait and see. Bonne journée.

  3. Merci Amine pour ces commentaires éclairés qui en disent déjà 10 fois plus que ce qu’on entend en boucle à la radio.

  4. Bonjour Amine ça ressemble à s’y méprendre à un certain crash d’un Boeing 767-300er de la même compagnie vol 990 en 1999, avion en plein vol de croisière bonnes conditions météorologiques puis sans raison apparente l’avion chute de son niveau de vol de 4500 m en 35 secondes. idem pou le vol ms 804 météo stable conditions de vol normales puis soudain l’avion amorce un virage 90 degrés gauche ensuite 360 degrés à droite et enfin chute vertigineuse de 6700 m selon le contrôle aérien grec. ces 2 crash ne sont pas le précédent le vol de la germanwings 9525 est encore frais dans nos mémoires

  5. 2 h 26 : l’avion s’apprête à sortir de l’espace aérien grec en volant à 37 000 pieds. Le contrôleur grec tente de contacter le pilote, comme l’exige la réglementation, pour lui signaler qu’il s’apprête à rentrer dans l’espace aérien égyptien, sans succès.
    2 h 29 : l’appareil est entré dans l’espace aérien égyptien. Le pilote ne répond pas aux communications du contrôleur.
    2 h 37 : l’appareil effectue deux virages brutaux (à 90° sur la gauche puis de 360° sur la droite) et chute de 22 000 pieds selon le ministre de la défense grec.
    2 h 39 : les contacts radar avec l’appareil sont perdus.
    LeMonde.fr

    “Dans le détail, les premiers dysfonctionnements connus font état d’une panne du système antigivrage et de la détection de fumée dans les toilettes à 2h26.
    Une minute plus tard, une autre fumée est détectée dans la soute électronique avant que l’un des des pilotes automatiques ne finisse par tomber à son tour en panne. L’avion disparaîtra quelques minutes plus tard. ”
    Lexpress.fr

    Est-ce une coincidence que l’incendie commence pile à 2h26, à la même minute que quand le contrôleur grec cherche à joindre les pilotes sans succès? (comme le fait remarquer Amine dès qu’ils entrent dans l’espace aérien égyptien).
    Une réflexion : n’est-ce pas très facile de transporter une petite bouteille d’essence pour mettre le feu dans les toilettes? Les briquets ne sont pas (encore) interdits… (et accès à la soute éléctronique?).
    Le déclenchement de l’incendie pile à ce moment rend le court-circuit accidentel improbable. (ou alors c’est la procédure de descente qui l’a provoqué)
    Il y avait apparemment 3 agents de sécurité égyptiens à bord, ils auraient sans doute neutralisé un passager suspect non? De plus aucune revendication à ce jour. On en revient aux pilotes..

    Dernière réflexion : si le système a été complètement détruit par l’incendie, est-il possible que les enregistreurs de vols ait aussi été interrompus et ne livrent aucune info supplémentaire?

    • Au vu des messages ACARS , les problèmes commencent à 00:26 UTC avec :

      Apparement les problèmes commencent côté droit de l’appareil dans le cockpit avec le système de dégivrage des fenêtre cockpit.

      Deux possibilités :


      Une bombe explose dans les toilettes et donc alarme fumée toilette “lavatory smoke” ,
      les fenêtres cockpits côté droit sont soufflées et ” fausse alarme au niveau des capteurs de température fenêtres côté droit” , faudrait-il encore savoir si les toilettes sur cette avion se trouvent côté droit à l’avant de l’appareil…….


      Rupture d’une fenêtres côté droit du cockpit (il existe une AD note FAA concernant des problèmes à ce niveau ) , décompression rapide de la cabine , formation de “FOG” du à la chute de pression et de température immédiate et fausse alerte “SMOKE LAVATORY” et dislocation de l’appareil en plein vol…………..

      Je cherche l’AD note……

      00:26 ANTI ICE R WINDOW
      00:26 R SLIDING WINDOW SENSOR
      00:28 R FIXED WINDOW SENSOR
      00:26 SMOKE LAVATORY SMOKE
      00:27 AVIONICS SMOKE
      00:29 AUTO FLT FCU 2 FAULT
      00:29 F/CTL SEC 3 FAULT

  6. Francis, les R sliding window sensor et R fixed window sensor n’indiquent pas une rupture de fenêtre mais un défaut des capteurs de température. Si il y avait eu décompression, il y aurait eu d’autres acars.

    • Justement , si la fenêtre est brisée ou détruite il n’y a plus de connexion entre les capteurs et le WHC.Si le cockpit se sépare du reste de la structure je ne pense pas que vous recevrez d’autres messages ACARS.

      Je ne crois pas non plus à la thèse de l’incendie , on ne perd pas un avion en 4 à 5 min après la détection d’un incendie , là aussi il y aurait eu d’autres anomalies et messages ACARS d’autant plus dans l’avionics bay ou toilette.Il y a d’abord des warnings au poste de pilotage.

      La perte brutale de cette avion me fait pensé à un événement de très courte durée , explosion ou décompression explosive et rupture de la structure.

      Lors d’une décompression brutale à 37000 ft votre temps de conscience est de de l’ordre de 30 à 40 secondes , l’air est expulsé de vos poumons en raison de la grande différence de pression et vous perdez rapidement conscience et à cela s’ajoute l’hypoxie.

      Attendons les résultats des back box………

  7. Bonjour Amine,

    Juste une remarque par rapport au fiches S et la probabilité d’embarquer une bombe depuis Paris. En effet oui, un terroriste a des cibles plus “intéressentes” depuis Paris, mais il ne faut pas oublier que ces cibles sont supposées plus protégées.

    Bon analyse!

  8. Bonjour,
    Ce que je vais dire n’a rien à voir avec les ACARS reçus mais si on dit que les problèmes commencent quand la descente débute, ne pourrait-on pas être face à un problème de gouverne de profondeur? Il y a déjà eu des cas ou des axes cédaient et laissaient la gouverne à son propre sort, rendant l’avion incontrôlable.

    Ce que je ne comprends pas c’est le lien entre fumée et descente si rapide. Un incendie à lui seul ne fait pas plonger l’avion subitement et l’équipage a le tems d’informer la tour, surtout si le feu se déclare à l’arrière de la cabine.

    Difficile de recoller les morceaux à ce stade… Attendons donc les boites noires…

    • Comme souvent évoqué la liste des acars ne correspond pas à un décompression de la cabine
      Et cela aurait été un des premiers acars à apparaître. Dans le passé on sait bien que des drames ont débuté avec un tout petit court circuit (twa 800) qui peut interagir avec d’autres composants et embraser l’appareil en très peu de temps. Si cela survient au niveau du poste de pilotage ( ici côté droit si c’est avéré )personne ne peut tenir un avion dans ces conditions … Bravo pour le post sur les feux à bord qui est assez flipplant en soit

      • Personne ne sait vraiment ce qui s’est passé sur le TWA 800… le court-circuit qui embrase les vapeurs de kéro c’est l’hypothèse qui a été retenue au final mais sans aucune certitude (ok ce n’est pas le débat ici…)

  9. Petite hypothèse qui pourrait peut-être expliquer la perte brutale de l’avion, pourquoi pas une cause extérieur menant à la destruction de l’avion ? Un tir de missile, par exemple, depuis un bateau en méditerrané ? Si l’explosion se déclenche par proximité et pas par contact avec la cible :
    > Nombre de trace d’explosif sur la carlingue réduites (c’est le Blast qui fait les dégâts)
    Vu la soudaineté de l’événement :
    > Pas de COM des pilotes
    > ACARS envois très peu de message car l’avion est détruit en une fraction de seconde
    Reste la question de l’instant qui coïncide avec le début de la descente.
    Bref pas simple, vivement qu’on retrouve les boîtes noires

  10. Dans l’absolu, ma théorie ne tient pas trop la route dans le sens où :
    > Pas de revendication
    > Matos pour ce genre de tir reste +/- difficile à trouver même pour Daesh

    Mwouais

    • c’est une idée à prendre en compte… la région est très loin d’être stable… un tir de missile turc? syrien? israelien? si c’est le cas… les responsables n’iront pas le crier sur tous toits…

  11. Beaucoup de news depuis 24h
    – Signal des boites capté
    – Etat de nombreux problemes sur l’avion dans les jours précédant le crash. Ce qui pose question sur le suivi de ces incidents.

  12. Bonjour,
    La théorie d’un tir de missile me parait amplement possible. Si je devais m’avancer, j’irais même jusqu’à dire que le tir était surement égyptien et effectué par un intercepteur. La traj de vol de l’A320 l’amène grosso modo sur un axe nord-sud. Peu après être entré dans l’espace aérien égyptien, il est identifié par erreur comme un hostile. Les forces aériennes tentent d’entrer en contact avec celui qu’il juge hostile mais sans y parvenir (fréquences différentes ou incompréhension) et la décision est prise de l’abattre. Le tir est effectué par un avion égyptien suivant un axe sud-nord, la missile frappe l’avant de l’A320, d’où les dégâts provoquant les messages acars concernant le secteur avant de l’avion. L’Airbus se crash sans grandes réactions ni communications des pilotes car ils sont déjà décédés pendant la chute de l’appareil.
    Ce n’est qu’une hypothèse.

  13. Bonjour,

    Aujourd’hui, 15 décembre, les médias bruissent des traces (traces?) d’explosifs trouvées sur certains corps d’après les autorités égyptiennes. La thèse d’un attentat serait ainsi confirmé si on croit certaines publications très au fait de la sécurité aérienne (http://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/0211599191814-crash-degyptair-la-piste-de-lattentat-se-precise-2050820.php)
    Je reste très sceptique.

    Bonne soirée

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