Le NTSB le répète chaque année : aucune quantité de givre déposée sur les ailes ne doit être considérée comme sûre pour le décollage. Pourtant, chaque hiver apporte son lot d’accidents aux scénarios similaires. L’étude de ce crash du vol Air France 7775 le 25 janvier 2007 est encore basée sur un rapport préliminaire du BEA. Par contre, l’issue de l’enquête technique ne fait aucun doute.
A 10:37 l’appareil, un Fokker 28-100, arrive à Pau à l’issue d’un vol normal depuis Paris Charles de Gaule. Immédiatement, commencent les préparatifs pour le vol suivant. Un retour sur Paris avec 50 passagers.
Durant toute la matinée, la neige tombe sur la région. La température est de 0 degrés avec un point de rosée à -0.2 degrés seulement. Dans ces conditions, beaucoup d’humidité est présente dans l’air. La visibilité prévalente est de 900 mètres même si la RVR des pistes 13/31 est de l’ordre de 1500 mètres. Un vent faible favorise l’apparition de bancs de brouillard. Un SIGMET signale un givrage sévère qui va du sol à environ 9000 pieds d’altitude.
Les avions, même au sol, n’échappent pas au givrage. La carlingue est froide, surtout pour un appareil qui vient d’arriver. Quand les gouttes d’eau entrent en contact avec le métal, elles gèlent et y restent collées. La rugosité de l’aile augmente même si les formations ne sont pas visuellement frappantes. D’après les recherches du NACA, une couche de glace de 3 dixièmes de millimètre d’épaisseur couvrant 5 à 10% de la surface de l’aile peut provoquer jusqu’à 6 degrés de baisse de l’incidence de décrochage. Au sol, une aile peut être du coté d’une sortie APU, ou proche d’un immeuble dégageant de la chaleur et pas l’autre. Ceci peut provoquer une accumulation non symétrique à droite et à gauche de l’avion. Les performances des deux ailes seront donc différentes.
Un Airbus A320 qui décolle juste avant le Fokker (4 minutes) bénéficie d’un dégivrage à l’aide de produit Ecowing 26 dispensé depuis une nacelle mobile. L’équipage du vol 7775 ne demande pas ce service.
Le Fokker s’aligne sur la piste 13 à 11:24 et la poussée de décollage est affichée. L’appareil commence à accélérer normalement. La présence de givre ne joue pas de rôle significatif durant cette phase. Quelques secondes plus tard, le copilote annonce V1 et immédiatement VR comme c’est l’usage sur les avions de cette taille. Au badin, 128 nœuds sont affichés. Le commandant de bord commence à tirer sur le manche et l’avion se cabre en prenant de plus en plus de vitesse. Quand l’assiette est de 15 degrés, la vitesse est de 144 nœuds mais l’incidence atteint déjà les 12 degrés.
L’appareil, qui fait presque 24 mètres d’envergure, commence à monter juste grâce à l’effet sol. Quelques secondes plus tard, c’est le décrochage. La radiosonde enregistre une hauteur maximale de 107 pieds.
Coté pilotes, tout se passe très vite. Le commandant de bord sent l’avion se cabrer et immédiatement après commencer à pencher brutalement sur la gauche. L’aile touche la piste malgré une correction énergique. L’alarme « bank angle ! » retentit dans le cockpit. L’avion, instable, passe à 67 degrés d’inclinaison à droite puis 59 degrés à gauche.
L’indication radiosonde commence à diminuer. L’alarme GPWS « dont sink ! » est entendue. Celle-ci, qui correspond à une perte de hauteur après le décollage, est l’une des alarmes les plus inquiétantes que l’on puisse entendre à bord d’un avion. Le Fokker retombe brutalement puis rebondit. Les pilotes ont la présence d’esprit de fermer les gaz. L’appareil plane pendant 4 secondes puis retombe sur le sol avec une vitesse de 163 nœuds et, heureusement, les ailes parfaitement horizontales.
Vue du réacteur droit.
La piste de 2500 mètres est épuisée et l’avion commence sa course folle dans les champs. Dans sa trajectoire, il y a une route nationale décaissée de 4.6 mètres. L’avion la franchit alors que son train d’atterrissage déchire la cabine d’un camion qui passait. Le conducteur est tué.
Les trains d’atterrissage se cassent, les moteurs sont endommagés par les projections et la glissade continue sur environ 535 mètres. Une chance pour les occupants, il n’y a que des terrains labourés autour du terrain de Pau.
L’aile gauche a touché la piste lors du décollage.
Le Fokker s’arrête enfin et une évacuation est ordonnée. Une partie des occupants descendent par les portes avant et les autres par l’issue de secours de située au-dessus des ailes. Ces derniers, n’ont pas été vers le bord de fuite comme indiqué par les flèches, mais se sont éparpillés dans tous les sens. Certains sautant par-dessus le bord d’attaque et d’autres marchant jusqu’à l’extrémité de l’aile. L’avion est détruit au-delà de toute réparation. Il n’eut pas d’incendie.
Les flèches indiquent le cheminement en cas d’évacuation.
Lire aussi :
– Givrage et Jets Privés. Un accident en tout points similaires s’est produit à Birmingham le 3 janvier 2002. Un jet de type Challenger 604 non dégivré a décroché lors du décollage. Tous les occupants ont été tués.
normalement sont des accidents révolus hélas