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Air China vol 129 – CFIT annoncé lors d’un circle-to-land

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Cet accident montre le caractère quasi-caricatural de ce que peut être la crainte du commandant de bord. Fait aggravant, dans la société chinoise, les distances hiérarchiques sont très grandes. Il est impensable qu’une personne remette son supérieur à sa place quand même des raisons impérieuses l’imposeraient. Ce système présente de grands risques de divergence dès que la situation du vol devient critique et exige des réactions fermes et rapides.

Le circle-to-land est l’une des manœuvres les plus dangereuses et les plus difficiles à faire avec un avion. En effet, sur de nombreux aéroports, même importants, pas toutes les pistes ne sont équipées de systèmes d’approche de précision comme l’ILS. Les avions devant toujours atterrir face au vent, il arrive souvent qu’ils soient obligés de se poser sur une piste non équipée d’ILS en utilisant l’ILS d’une autre piste pour faire leur percée sous les nuages.

En pratique, les pilotes commencent l’approche en utilisant l’ILS d’une piste sur laquelle ils n’ont pas l’intention d’atterrir. Une fois qu’ils sortent des nuages, ils réalisent des manœuvres pour récupérer visuellement l’axe de la piste en service. Typiquement, il s’agit de se poser sur la direction réciproque de l’approche initiale. Même si l’approche est dite « aux instruments », elle reste hautement visuelle. Les pilotes doivent garder la piste en vue, la dépasser pour faire demi-tour et revenir atterrir. Par définition, ceci se passe à faible altitude et, la plupart du temps, par une météo marginale.

Le maintien du visuel sur la piste est très important. Au moindre souci, il est obligatoire de faire une remise de gaz. Selon, les terrains, il y a des contraintes qui obligent l’avion de rester dans un certain périmètre et d’éviter de survoler certains endroits. Rien d’étonnant dans ces circonstances que les approches de ce type soient 25 fois plus dangereuses que les approches directes selon les statistiques de l’OACI. Les opérateurs devraient faire leur maximum pour promouvoir des approches directes là où c’est possible.

A l’aéroport de Busan, en Corée du Sud, il y a deux pistes parallèles distantes de 250 mètres et orientées Nord-Sud. Habituellement, les avions arrivent au-dessus de la mer et bénéficient d’un ILS pour se poser en direction 36. Le vol Air China 129 de ce 15 avril 2002 arrive de Pékin en fin de matinée et commence son approche alors qu’un orage et des vents forts balayent le terrain.

Une approche directe est initiée sur la 36L en première intention. Alors qu’ils y sont presque, les pilotes perdent le visuel sur la piste et doivent remettre les gaz. Comme aucun briefingn’avait été réalisé, ils se retrouvent pris de court et doivent rapidement envisager une solution. Dans de telles situations, il faut remonter dans l’axe, faire demi-tour et revenir vers le point initial de l’approche (IAF). Le guidage radar, quand il est disponible, permet de faire cette manœuvre sans trop de soucis. Néanmoins, pour leur faire gagner du temps, le contrôleur suggère à l’équipage d’Air China de maintenir 700 pieds sol et de faire un virage à 180 degrés pour revenir atterrir dans la direction réciproque, en 18R. Il s’agit donc de réaliser une manœuvre de type circle-to-land.

Le commandant de bord prend les commandes en manuel et remonte vers le Nord en laissant la piste derrière. Puis, il prend un cap d’écartement vers la gauche tandis que l’avion est préparé pour l’atterrissage.

La géographie de l’endroit est particulière. La ville et l’aéroport sont construits sur le delta du fleuve Nakdong, le plus long du pays. Cette région plate se trouvant au niveau de la mer est entourée de montagnes et de collines qui couvrent toute la Corée.

Le commandant de bord commence son virage à droite. Comme il est assis à gauche, l’inclinaison l’empêche de voir où l’avion se dirige. Le copilote voit une colline arriver sur la droite et comprend que l’avion ne terminera pas son virage. Il y a assez de temps pour réagir, mais il faut ménager le commandant. Cette attitude n’est inusuelle, ni ahurissante. Dans de nombreux pays, c’est la règle. Même si le commandant est entrain de faire une erreur très grave il faut savoir la lui présenter. C’est pareil dans de nombreux corps de métiers. En Chirurgie, un interne ne corrigera jamais un professeur même si le malade doit y passer. Chaque personne peut faire le parallèle avec son propre corps de métier ou son entreprise. Ces situations sont courantes.

 

Trajectoire du 767 de Air China
Cheminement de l’Air China 129 une fois abandonné
L’atterrissage en piste 36L
 

 

La colline boisée s’approche de plus en plus alors que le copilote la signale timidement. Plusieurs fois de suite, la vue sur la piste est perdue à cause des nuages qui descendent jusqu’à 500 pieds sol. Cinq secondes avant l’impact, alors qu’il est sensé prendre d’autorité les commandes pour sauver l’avion, le copilote signale encore une fois que l’avion va vers un obstacle. Le commandant de bord ne réagit pas et c’est le crash.

L’avion percute une colline se trouvant dans l’axe de la piste. Il y a 128 morts y compris le copilote. Se trouvant du coté opposé à l’impact, le commandant de bord, Wu Xinlu, survivra avec des blessures légères. Les secouristes trouvent également 38 passagers blessés à des degrés divers mais dont la vie n’est pas menacée.

Il s’avère également que le contrôleur aérien avait autorisé l’appareil à descendre trop bas. D’habitude, les appareils de la taille du Boeing 767 Extended Range descendaient à 1’100 pieds pour faire le circle-to-land. Cependant, à la tour de contrôle, ils pensaient avoir affaire à un Boeing 737. Cet appareil est plus léger et a un rayon de virage nettement plus petit que le 767. De plus, les pilotes étaient tenus de rester en vol à vue durant toute la manœuvre à faible altitude. Or, plusieurs fois l’avion s’est retrouvé dans les nuages à 700 pieds sol sans que son équipage ne songe à remettre les gaz et à faire un déroutement sur un aéroport alternatif. Mais cette décision, il est vrai, n’est pas facile à prendre.

 

Lieu du crash
L’avion n’a jamais terminé son virage vers la piste. Assis à gauche, mais virant à droite, le commandant de bord ne voyait pas la colline arriver dans son angle le mort.

1 COMMENT

  1. On est vraiment dans du n’importe quoi, car ce genre de procédure n’existe pas.
    Même s’il n’avait pas percuté la colline, il n’aurait jamais pu se poser, car il se serait retrouvé au dessus de la ville.
    De plus, si les pilotes perdent le visuel en courte finale, on ne s’embarque pas sur une procédure en visuel.
    On doit obligatoirement se reporter au point d’approche initiale pour engager une nouvelle procédure.
    Si à nouveau perte de visuel, alors on envisage un déroutement.

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