Les avions ne prennent pas feu facilement, mais si cela arrive, il n’y a plus d’avion. Quotidiennement, des avions sont déroutés ou font des atterrissages d’urgence parce qu’une alarme incendie se déclenche ou bien qu’un membre d’équipage voit ou sent de la fumée. Rien que l’infime possibilité d’un incendie justifie toutes les mesures d’urgence possibles et imaginables. Heureusement, la totalité de ces alarmes ou ces inquiétudes, se révèlent sans fondement.
Selon une étude du TSA canadien, quand le feu se déclare à bord d’un avion (à l’intérieur), il reste en moyenne 17 minutes avant le crash. Les chiffres de cas pris entre 1967 et 1998 montrent des valeurs individuelles entre 5 à 35 minutes de vol avant le crash. On connait des cas où des avions ont atterri alors qu’il y avait du feu à bord (exemple), mais l’évènement ne se termine jamais en happy end.
Voici le narratif d’un incident qui arriva chez Egyptair le vendredi 29 juillet 2011…
Le Boeing 777 immatriculé SU-GBP venait de finir l’embarquement pour un vol le Caire – Djeddah (vol 667). Malgré un léger retard sur l’horaire, l’avion restait toujours devant la porte F7 du terminal 3 dans l’attente d’un dernier passager. Cette attente a probablement sauvé la vie des 317 occupants !
Assis à droite dans le cockpit, le copilote entend un bruit similaire à celui d’une canette qu’on ouvre suivi d’un sifflement laissant penser à un gaz qui s’échappe. Le temps qu’il se retourne et les flammes sont déjà visibles à l’ œil nu. Sans perdre une seconde, il se rue du cockpit pour aller chercher de l’aide. Pendant ce temps, le commandant de bord s’empare d’un extincteur et décide vaillamment de lutter contre l’incendie.
En passant dans la cabine, le copilote ordonne aux passagers d’évacuer. Lui-même descend en courant sur le tarmac pour chercher quelqu’un avec une radio pour appeler de l’aide. Cette recherche va lui prendre un petit moment avant qu’il n’arrête une voiture des services techniques. Bingo ! Ceux-ci disposent d’une radio et immédiatement ils passent un message pour les services de secours. Ces derniers étaient déjà en route parce qu’un autre pilote dont l’avion était parqué devant la porte F8 avait vu la fumée et lancé l’alerte. Les pompiers arrivent trois minutes après le début de l’incendie.
Vue du cockpit (Boeing 777-200)
Tous les passagers furent évacués. Sept d’entre eux souffraient d’inhalation de fumées mais rien de sérieux. L’avion est endommagé au-delà de toute réparation.
L’enregistreur de vol montra qu’il s’est passé juste 24 secondes entre le premier bruit évoquant une cannette qui s’ouvre et le commandant de bord qui crie « au feu ! » quand il aperçoit les premières flammes.
Boeing 777-2000 Egyptair
Les enquêteurs égyptiens s’attèlent immédiatement à la tâche difficile de trouver l’origine et le mécanisme ayant conduit à l’incendie. Le premier suspect est le circuit d’oxygène pur qui permet aux pilotes de respirer en cas de dépressurisation. Il est alimenté par une bouteille, type cylindre de plongée, installée sous le plancher et connectée à un circuit. Ce circuit est fait de tubes qui vont apporter l’oxygène aux masques du commandant de bord et du copilote. L’oxygène ne brule pas, mais il a la capacité d’alimenter des incendies et de les rendre très violents. Dans une atmosphère enrichie d’oxygène, même un croissant au beurre peut prendre feu et bruler avec des flammes très intenses.
Le NTSB américain se joint à l’enquête. Eux, ils ont en arrière-pensée un incident similaire qui a eu lieu à San Francisco le 28 juin 2008. A cette occasion, c’était un Boeing 767 de DHL (N799AX) qui avait pris feu juste avant le départ. Les pilotes avaient entendu un bruit de canette qui s’ouvre et l’enfer s’est ouvert quelques secondes plus tard. C’était le circuit d’oxygène qui avait tout déclenché et, comme le dit le NTSB dans son rapport, la FAA a été molle à imposer des tubes suffisamment surs pour cet effet.
Boeing 767 DHL / ABX Air
(Aux USA, le NTSB enquête sur les accidents, mais c’est la FAA qui certifie les avions et définit les règles de leur construction. Les deux agences sont indépendantes l’une de l’autre. Le NTSB est souvent très agressif quand il s’agit des manquements perçus de la FAA.)
En fait, ni les Américains, ni les Egyptiens ne réussiront à reproduire le scenario qui a conduit à l’incendie. On sait juste une chose : à l’endroit où le feu a pris, il y a un flexible d’oxygène basse pression et des fils électriques. Le tube est en PVC donc théoriquement non conducteur. Par contre, quand on analyse les tubes installés sur divers Boeings 777, on constate quelque chose d’étonnant : certains tubes PVC sont conducteurs, d’autres pas (2 sur 7 sont conducteurs). Raison : le tube en PVC comporte une âme sous forme d’un serpentin en métal noyé dans le plastique. Selon comment on coupe le tube, le serpentin en métal est apparent à l’extrémité ou pas. C’est cela qui va définir si le tube est conducteur sur sa longueur ou non.
Quand on envoie un courant électrique dans le serpentin en métal, ce dernier chauffe et peut finir par faire fondre le PVC et libérer l’oxygène. Plastique fondu, court-circuit électrique, chaleur… c’est la recette pour le désastre. En conditions opérationnelles, l’incendie n’arrive pas systématiquement mais il reste possible. Depuis, la FAA a émis un bulletin pour le remplacement de ces flexibles sur Boeing (voir directive FAA).
Bouteilles O2 – Boeing 777
Conclusion:
Malgré des enquêtes extensives, ni le NTSB ni leur homologue du Caire ne réussirent à reproduire de manière claire la séquence qui a mené à l’incendie. Ceci alors même qu’ils avaient les avions sinistrés sous la main. S’il faut aller remonter des pièces détruites par le feu et l’impact depuis le fond de la mer, l’analyse sera encore plus difficile. Les enquêteurs vont probablement inspecter les Airbus A320 de même génération que celui qui s’est écrasé cette semaine pour essayer de comprendre.
Pour aller plus loin:
Rapport Accident Boeing 777 (feu au sol) – Le Caire
Rapport Accident DHL (feu au sol) – San Francisco
Article très intéressant qui permet de prendre du recul en évoquant une hypothèse qui n’est pas dans l’air du temps.
Tous les accidents d’avion ne sont pas à mettre sur le compte du facteur humain embarqué, terroristes ou pilotes.
Article très intéressant ! merci pour la moralité de l histoire 😉