3 avril 2006 – Le Lockheed C-5B Galaxy est le plus gros avion de transport militaire au monde. Fabriqué spécialement pour l’Armée US, il est exploité par la division logistique de l’US Air Force. Du véhicule blindé, au générateur électrique en passant par l’hôpital de campagne, aucun objet de l’inventaire militaire US n’est trop gros pour le Galaxy et ses 880 mètres cubes de cargo. Avion excessif sur tous les plans, le C-5B nécessite en moyenne 16 heures de maintenance par vol réalisé. Son équipage minimal se compose d’un commandant de bord, un copilote et pas un, mais deux mécaniciens navigants. Plusieurs responsables de chargement viennent compléter l’effectif.
Cet accident concerne le C-5B 84-0059 appartenant au 436eme aéroporté basé à Dover dans l’Etat du Delaware. Il avait décollé en mission pour Ramstein en Allemagne. En plus du fret, 50 tonnes, il y avait 17 personnes à son bord. La météo était correcte et le vol transatlantique commençait sous de bons auspices.
Dix minutes après le décollage, alors que l’avion est en montée, les pilotes reçoivent une alarme du réacteur 2. Celle-ci indique que le l’inverseur de poussée n’est plus verrouillé. Très peu d’alarmes en vol sont si… alarmantes ! Si l’inverseur s’ouvre en vol, il provoque une asymétrie brutale que les gouvernes sont incapables de compenser.
En 1991, le vol Lauda Air 004 a été victime d’un accident lié à un inverseur de poussée. Il s’agissait d’un Boeing 767 qui réalisait un vol entre Hong Kong et Vienne avec escale à Bangkok. Durant la croisière, une alarme concernant l’inverseur du moteur 1 s’était allumée. Les pilotes se sont mis à consulter les manuels de référence… Neuf minutes plus tard, l’inverseur de poussée s’est ouvert. Les restes de l’avion furent retrouvés sur plus de 100 hectares. Le crash avait causé la mort de 223 personnes.
C’est donc non sans appréhension que les pilotes du Galaxy virent s’allumer l’alarme de l’inverseur de poussée du réacteur numéro 2. Sans perdre une seconde, ils coupent son arrivée de carburant et ramènent sa manette au ralenti. Dès ce moment, l’avion est sécurisé et ne court aucun danger. Par contre, dans leur empressement, les pilotes vont commettre une simple erreur qui va les poursuivre jusqu’au crash.
Ils ont coupé le moteur numéro 2 mais c’est la manette à coté, celle du 3, qu’ils ont ramenée au neutre. Le commandant de bord travaille avec trois manettes mais l’une d’elles commande le moteur 2 qui est coupé. Effectivement, seuls les moteurs 1 et 4 produisent de la poussée, soit un moteur par aile.
Le détail du geste est le suivant :
– Le pilote ramène la manette 2 au ralenti et travaille avec les 1, 3 et 4
– A un moment donné, il ramène les 1, 3 et 4 au ralenti
– Toutes les manettes se retrouvent alignées au ralenti
– Il a besoin de puissance, il repositionne sa main et pousse les manettes 1, 2 et 4
– Progressivement il pousse ces manettes à fond mais l’avion s’enfonce toujours
Vu la largeur du cockpit, il y a sets (2 x 4) de manettes pour gérer 4 réacteurs.
Les deux sets sont mécaniquement interconnectés pour avoir la meme configuration en tout temps.
Les pilotes décident de revenir au terrain et d’atterrir en surpoids. L’approche se fait à vue et progressivement l’avion passe sous le plan de descente. Une fois que le train d’atterrissage est sorti et les volets baissés à 100%, le vario devient franchement négatif et les gaz, même à fond, ne semblent pas aider. Toujours, seuls les moteurs 1 et 4 donnaient de la puissance.
En tirant sur le manche pour réduire le taux de chute, les pilotes voient la vitesse baisser. L’un d’eux a la malheureuse idée de réduire la trainée : il rentre les volets de 100 à 40%. Sans autre forme de procès, l’avion qui vole trop lentement décroche et tombe comme une pierre. Heureusement, le sol est tout proche. L’avion s’écrase et glisse sur plusieurs centaines de mètres dissipant progressivement son énergie. Il finit par s’arrêter mais la carlingue est brisée en plusieurs morceaux. Les 17 occupants sont blessés dont deux gravement. Les sièges en métal boulonnés directement sur la structure de l’appareil transmettent très bien les chocs et protègent moins les occupants que les sièges des avions civils.
Vidéo :
Notez la position des manettes vers 47 secondes. A ce moment, les doigts du pilote glissent et au lieu de prendre la manette du 3, il prend celle du 2. A 2:08, on entend l’ordre “Bring the flaps-up!” et puis l’incidence qui augmente immediatement apres. La photo ci-dessous peut aider à mieux comprendre la vidéo.
Au moins il n’y a pas eu de morts.. Je pense qu’à la place du pilote, j’aurais malheureusement fait la même chose !
Son équipage minimal se compose d’un commandant de bord, un copilote et pas un, mais deux mécaniciens navigants. C’est-à-dire équipage en cabine.
Donc, bien que les deux mécaniciens navigants, aient à priori, la même formation et qualification sur l’appareil, un était au poste conduite et l’autre au poste soute.
Ensuite, en mettant à part la gravité de la panne, il est utile de visualiser le fonctionnement de l’équipage. Certes, le pilote en fonction prend l’initiative de réduire, voire de couper le moteur, mais en tout état de cause le mécanicien de bord doit immédiatement contrôler l’action, voire la compléter ou la corriger.
Dans le cas d’un moteur coupé, une fois l’opération réalisée, la main du “mécanicien conduite” doit pratiquement rester sur la mannette en question. Si cela avait été fait, le pilote n’aurait pas réduit un autre moteur.
La faute revient aussi au pilote non en fonction. Mais plus que cela, le deuxième mécanicien navigant en cas de panne grave doit par ses connaissances venir en soutient à l’équipage en poste.
Conclusion: manque de communication entre personne, et les mécaniciens n’ont pas fait preuve d’autorité pour attirer l’attention des pilotes.