Quelques jours après le crash du MD-82 de Spanair, peu d’informations techniques sont disponibles. Par contre, on sait que cette compagnie opérait dans un contexte très tendu. Créée en 1988, elle appartient à 94% au groupe SAS Scandinavian qui cherchait à la vendre suite aux lourdes pertes qu’elle réalisait. L’échec de la vente a débouché sur un plan social visant à réduire la voilure et se séparer de 1000 employés. Le SEPLA, le syndicat espagnol des pilotes de ligne, parlait il y a eu de “chaos organisé” au sein de Spanair. Ces mots ont aujourd’hui un gout bien particulier en regard de la tragédie ci-jointe.
Routes de la compagnie Spanair.
Dans les premières heures, les médias ont parlé de crash à l’atterrissage après une procédure de retour au terrain. On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien. L’accident a eu lieu lors du décollage. L’appareil avait annulé un premier départ et était revenu au tarmac pour corriger un problème de “surchauffe sur une prise d’air”. Selon les autorités, ce problème n’a pas eu d’impact direct sur le crash, mais il avait provoqué 2 heures de retard et probablement pas mal de stress chez l’équipage et les passagers.
D’après la presse locale, des passagers auraient même demandé à descendre. L’un d’eux, mort dans le crash, aurait envoyé un SMS engoissé à sa famille leur disant qu’il souhaitait descendre mais qu’il n’a pas été autorisé à le faire.
MD-82 EC-HFP qui s’est écrasé le 20 août 2008 au décollage de l’aéroport de Madrid Barajas.
Une explosion ?
Les témoins ont parlé d’explosion. Par contre, il ne faut jamais prendre ce genre de témoignages à la lettre. Est-ce qu’ils ont entendu l’explosion quelques secondes avant le crash ? Ou bien quelques secondes après ? Très difficile à dire avec certitude. Par contre, les enregistreurs de vol (DFDR et CVR) ont été trouvés et si explosion il y a eu, elle serait clairement audible dans le CVR. (MAJ 2014: il n’y a pas eu d’explosion)
D’après les caméras de sécurité de l’aéroport, il n’y a pas eu d’explosion d’un moteur. Donc pas de panne moteur non contenue à ce point de nos connaissances. Mais des bruits puissants et sourds peuvent également provenir d’un décrochage de compresseur, du décrochage d’une aile ou d’un impact contre le sol.
Le crash et la survavibilité
Juste après la rotation, l’avion s’est fortement penché à droite et l’aile a touché le sol. A l’impact, la queue s’est séparée et c’est probablement à cet endroit qu’il y a eu le plus de survivants. La piste est longue et dégagée. L’avion n’a heurté aucun obstacle et il est tombé de sa propre hauteur seulement. Dans ce genre de cas, les forces d’impact n’atteignent pas des valeurs létales pour la majorité des passagers. Des crashs pareils, sans le feu, laissent presque 100% de survivants. Par contre, il y a eu destruction des réservoirs et l’avion s’est transformé en boule de feu probablement avant même l’arrêt complet.
En effet, lors de l’impact avec le terrain le train d’atterrissage sorti, ce dernier traverse les ailes de bas en haut et perce les réservoirs.
L’accident a fait 153 morts et 19 survivants. Pour les 153 victimes, des tests ADN sont en cours pour déterminer l’identité de la majorité d’entre eux. Envion 50 ont pu être identifiés par leurs empruntes digitales. Parmi les survivants, 4 sont dans un état critique et 6 dans un état jugé sérieux. Dix survivants seraient moins atteints.
Au sujet des pannes moteur :
Le MD-82 est bi-réacteur de transport civil. Ses deux moteurs sont installés à l’arrière tout près du fuselage. Une panne moteur occasionne moins de problèmes de contrôle que ce qui serait constaté sur un avion ayant ses réacteurs sous les ailes.
En tous les cas, un bimoteur est capable de voler et d’atterrir en utilisant un seul moteur. Les équipages sont régulièrement entrainés pour ce genre d’éventualités.
Il existe deux types de pannes moteur:
– Les pannes contenues: dans ce cas le réacteur tombe en panne pour une raison donnée, mais reste intact ou à peu près intact. C’est le cas type qui est utilisé lors de la formation des pilotes.
– Les pannes non contenues: le réacteur explose et des pièces peuvent être projetées contre le fuselage et contre d’autres éléments vitaux de l’avion. Les pilotes sont donc confrontés à une perte d’un moteur mais suivi très rapidement, si ce n’est immédiatement, par d’autres pannes plus ou moins importantes. Il y a des cas où la perte d’un réacteur a été suivie par des fuites hydrauliques et à terme une perte partielle ou totale du contrôle des surfaces de vol. Dans le cas de cet accident, les témoins parlent d’explosion et il est donc probable qu’il s’agisse d’une panne non contenue.
Que s’est-il passé ?
A ce stade, très peu d’éléments sont connus. Par contre, on peut toujours tirer des similitudes avec des cas connus et bien documentés. Plusieurs options sont possibles :
1 – Panne moteur non gérée : nous serions dans un cas voisin de celui de l’Air Algérie 6289 où une banale panne moteur se transforme en crash parce que personne ne fait les bons gestes. Ceci est très peu probable vu les circonstances. Le MD-82 a deux réacteurs à l’arrière et en cas de panne, même avec des pilotes totalement passifs, il aurait pu s’élever et s’écraser plus loin.
2 – Panne de deux réacteurs : très peu probable aussi. En tous les cas, ceci supposerait une cause commune. Comme on peut exclure le givre, il reste les oiseaux (non observés dans ce cas), la contamination de carburant (pas possible) ou l’erreur de maintenance. Dans le cadre de la maintenance, le vol Eastern 855 a eu 3 réacteurs en panne sur 3. Par contre, ils ne sont pas tombés en panne au même moment.
3 – Décrochage au décollage : suite a oubli de volets par exemple. Mais il y a des dispositifs qui empêchent cela. (<<< Mise à jour 2014 : c’est ce problème qui a causé le crash)