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United vol 585 – Mouvement incontrôlé de la gouverne de direction du 737-200

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Le 25 février 1991, un 737 d’United Airlines, la troisième plus grande compagnie du monde, connaît un incident gravissime. La gouverne de direction part à droite lors d’un vol. L’avion est déséquilibré et les pilotes, qui le connaissent bien, coupent le Yaw Damper et les choses reviennent à la normale. Au sol, l’appareil est inspecté mais les techniciens ne peuvent pas reproduire le problème tel que décrit par les pilotes. Tout semble normal. Par acquis de conscience, une pièce du Yaw Damper est remplacée et l’avion remis en ligne.

Le 27 février 1991, le même appareil connaît une série d’embardées suite à la déflexion incontrôlée de la gouverne de direction. De plus en plus perplexes, les mécaniciens réalisent un contrôle selon les manuels techniques de Boeing mais ne trouvent rien à se mettre sous la dent. Malgré les essais répétés au sol, l’avion ne montre aucune anomalie. Une autre pièce duYaw Damper est remplacée et l’avion programmé pour de nouveaux vols.

Quatre jours plus tard, alors qu’il est en approche sur Colorado Springs, ce même 737 vire brutalement sur la droite, s’incline, passe sur le dos et plonge vers sol. L’impact est si violent, qu’il faudra emprunter des équipements à un institut de géologie pour retrouver certaines pièces enfouies profondément dans la terre. Le vol 585 n’est plus. 25 personnes perdent la vie lors de ce crash.

Un contrôleur aérien témoin de la scène déclare aux enquêteurs qu’il a vu l’avion piquer vers le sol comme un crayon qui tombe d’un bureau. Colorado Springs, aujourd’hui fermé, est une petite destination. Seuls 20 passagers avaient pris place dans l’avion. Les soutes contenaient quelques bagages et un cercueil avec un mort qu’on ne retrouva plus. La météo était bonne mis à part un peu de vent et quelques turbulences habituelles et connues dans la région. Les pilotes avaient même ajouté 20 nœuds à la leur vitesse d’approche pour compenser les variations du vent.

Simulateur Boeing 737
Expérience en simulateur. Manche totalement braqué à droite,
réacteur 1 à pleine puissance et réacteur 2 sur idle. Malgré cela,
l’avion part sur la gauche jusqu’à se retrouver sur la tranche.
 

 

 

Principe de fonctionnement d'une PCU de 737
Principe de fonctionnement d’une PCU de Boeing 737-200
 

Rien dans ce crash ne permet aux enquêteurs de trouver la moindre piste sérieuse. L’accident étant survenu un dimanche matin, de nombreux promeneurs assistent à l’accident. Près de 160 témoins directs furent interrogés et tous répètent la même chose. L’avion arrivait normalement, voir un peu bas pour certains, quand il a soudainement basculé sur la droite puis piqué dans la forêt. Un vieux couple aurait déclaré à un témoin avoir été aspergé d’une substance puante qui est tombé de l’avion. Comme aucune piste n’est à négliger, ce couple est recherché par tous les moyens. Des portraits robot sont diffusés par les médias et des policiers font du porte à porte pour les retrouver. On ne mettra jamais la main dessus.

Les boites noires sont retrouvées dans un tel état de destruction, qu’il est impossible d’en retirer toutes les informations. Plusieurs canaux d’enregistrement sont détruits et inexploitables. Ce que l’on arrive à établir, c’est qu’à la seconde où l’avion commence à partir à droite, le copilote, une femme, lance « Oh God! » suivie un instant plus tard par le commandant de bord.

Sans perdre une seconde, ce dernier pousse les manettes des gaz et demande la rentrée des volets à 15 degrés pour entamer une remise des gaz. Malheureusement, le déséquilibre de l’avion est si rapide qu’il ne laisse aucune chance malgré une réaction correcte et quasi-immédiate de l’équipage.

Le NTSB s’intéresse aux turbulences de la région de Colorado Springs mais aussi à la conception de la gouverne de direction de l’appareil. Au grand étonnement des enquêteurs, le 737 est le seul avion de ligne au monde à disposer d’une gouverne de direction en une seule pièce et qui est mue par un seul et unique vérin hydraulique.

Depuis le cockpit, part un seul et unique set de câbles qui voyage jusque dans le stabilisateur vertical. Là, se trouve logé le vérin hydraulique. Ce dernier, quand il reçoit de l’huile sous pression, déplace la gouverne de direction avec une force constante de près de 2’700 kilogrammes. L’huile arrivant depuis les circuits A et B est dirigée vers une pièce de la taille d’une cannette de Coca qui va, selon la demande des pilotes, envoyer la pression sur l’une ou l’autre des faces du vérin. Cette pièce appelée PCU, pour Power Control Unit, est capable de provoquer une déflection de 26 degrés en 39 dixièmes de seconde sans charge. Quand l’avion vole vite, les forces aérodynamiques s’opposent à la gouverne et limitent son débattement et sa vitesse de déplacement. A action égale sur les palonniers, le déplacement de la gouverne est d’autant plus faible que la vitesse est grande. A chaque vitesse, correspond donc une valeur maximale de débattement (blowdown limit). Les ailerons et la gouverne de profondeur ont des systèmes différents et leur débattement est pareil en toutes situations.

A l’intérieur du corps de la PCU il y a deux pistons concentriques qui en déplaçant ouvrent ou ferment des lumières pour diriger l’huile. Le déplacement de ces pistons de 2.2 mm correspond à un déplacement en butée de la gouverne de direction. Chaque millimètre de déplacement de ces pistons donne une force de 1’200 kg sur la gourverne.

 

Vue éclatée de la PCU
Vue éclatée de la PCU”
 

 

Dès le départ, le système semble vulnérable et ne correspond pas à la philosophie de mise dans l’aéronautique. Néanmoins, aucune faute ne peut être prouvée et en fin 1992 l’enquête est bouclée sans avoir trop avancée. Le NTSB cite les turbulences et un éventuel problème de gouverne de direction comme causes possibles, mais ne se mouille pas plus loin.

Incident lors de l’enquête
Par ailleurs, un incident troublant va venir entacher l’enquête. Le NTSB reste une petite structure gouvernementale qui enquête sur tous les accidents de transport. Tout problème survenu sur un avion, un bateau, un train, un camion ou même un pipeline tombe sous la juridiction du NTSB. Alors qu’il a moins d’employés et de budget que la police municipale d’une petite ville, ce service s’occupe de plus de 2’000 enquêtes par an aux USA et participe à des enquêtes à l’étranger. Le NTSB n’a donc pas les moyens d’analyser chaque aspect technique d’un crash. En plus de la FAA, il fait aussi appel aux constructeurs d’avions et aux entreprises qui leurs fournissent les équipements pour boucler ses enquêtes. Dans le principe, ce fonctionnement n’a rien d’aberrant. Les enquêtes du NTSB ne sont pas menées dans le but de trouver des responsables ou des coupables. Leur but est traditionnellement de trouver les problèmes ayant mené à un crash et de les corriger pour éviter qu’ils ne fassent plus de victimes. Sur le terrain, les choses se passent autrement. Les parties prenantes ont toujours peur de voir leur responsabilité dans un drame engagée dans un rapport d’accident signé par le NTSB. Même si le NTSB n’engage aucune poursuite, les familles des victimes, les assureurs et d’autres parties lésées peuvent le faire et réclament de grosses compensations aux fautifs.

Dans cette ambiance, il est naïf de croire que les laboratoires des avionneurs vont participer pleinement à la recherche d’éléments pouvant légalement les incriminer. Le 21 mars 1991, les enquêteurs se rendent chez Boeing pour préparer une analyse de la PCU. Cette dernière été retrouvée dans les décombres et doit être rapportée chez son fabriquant qui dispose des bancs pour la tester. Au moment où ils quittent les locaux, un responsable de chez Boeing demande à un assistant d’emballer la PCU. Quelques minutes plus tard, il reçoit un paquet soigneusement ficelé. Quand ils arrivent chez Parker Bertea Aerospace en Californie, les enquêteurs découvrent que trois pièces importantes manquent dans le paquet ! On remue ciel et terre, on se rejette la balle mais jamais on ne remettra la main sur ces éléments essentiels. En désespoir de cause, les pièces manquantes sont remplacées par des neuves et les tests réalisés. Bien entendu, la PCU ainsi rénovée fonctionne parfaitement. Ceci explique en grande partie l’échec de cette enquête et les morts qui vont s’en suivre.

Le NTSB a 90 employés à plein temps et un budget annuel de l’ordre de 35 millions de dollars. A titre de comparaison, le New York Police Department (NYPD) emploi plus de 35’000 personnes et a un budget de plusieurs centaines de millions de dollars.

Fonctionnement de la PCU
La PCU est un élément mécanique qui va gérer le flux d’huile sous pression et le diriger en fonction des demandes des pilotes.

Rappel Théorique :– Le travail d’un fluideT = Q x P

T est le travail en joules

Q la quantité de fluide qui circule (en L)

P la pression de ce fluide en Pascals

– La puissance d’un fluide

En toute généralité, la puissance est un rapport entre le travail et le temps qui a été nécessaire à le réaliser. Plus un système peut réaliser le même travail vite, plus il est dit “puissant”. Donc :

W = T / t

W est la puissance en Watts

T est le travail en joules

t est le temps en secondes

On peut aussi écrire

W = (Q x P) / t

Mathématiquement, quand on divise un produit par un nombre, on peut juste diviser un des membres de ce produit (en addition on les divise tous) :

W = (Q / t) x P

Mais (Q / t) est connu, c’est une quantité divisée par un temps, donc un débit. On va le noter D (en L/s) et on peut reformuler la puissance d’un fluide :

W = D x P

Tout simplement le débit x la pression.

Voici quelques schémas de principe.

PCU simple corps :
C’est le modèle le plus utilisé. Il comporte une arrivée et deux sorties. Le piston à l’intérieur peut aller à dans une direction ou une autre pour permettre le passage de l’huile. Il faut noter que même lorsque le système est fermé, il y a un petit débit de fuite les deux directions en même temps.

 

Valve PCU simple corps fermée
PCU simple corps en position fermée
 

 


 

Valve PCU simple corps ouverte
PCU simple corps en position ouverte
 

 


PCU double corps
Même principe que la PCU simple, mais ici on a deux tiroirs concentriques. La plupart du temps, c’est le tiroir interne qui bouge et la PCU fonctionne comme une PCU simple. Par contre, si le pilote donne un coup fort sur le palonniers, il faut lui fournir plus de puissance. Dans ce cas, le tiroir externe bouge aussi. Le débit d’huile est augmentée parce que plus de lumières sont ouvertes. Dans ce cas, la puissance disponible est augmentée.

 

PCU double corps fermée
PCU double corps en position fermée. C’est ainsi qu’elle est pendant
la plus grande partie du vol (important)
 

 


 

PCU double corps ouverte
PCU double corps ouverte. Là, le pilote a appuyé doucement sur les palonniers
 

 


 

PCU double corps ouverte
PCU double corps ouverte. Là, le pilote a appuyé rapidement sur les palonniers.
Remarquez la présence de plus de lumière pour le passage de l’huile.
Le tiroir externe (noir) a aussi bougé.
 

 


 

PCU double corps en position aberrante
PCU en position aberrante !
 

 

Les deux tiroirs concentriques sont très proches l’un de l’autre. L’espace entre eux ne permettrait pas le passage d’un cheveu humain. Si une impurtée arrive entre les deux, il y a des risques qu’ils adhèrent l’un à l’autre et qu’ils se déplacent en même temps. Pensez que leur déplacement maximal est de 4.4 millimètres et que ceci correspond à un déplacement de la gouverne d’une butée à l’autre. Dans ce cas de blocage, la PCU aura un comportement erratique et la gouverne de direction se déplacera d’elle même. Si l’avion vole lentement, comme lors d’une approche, les ailerons n’ont pas assez d’autorité pour compenser l’inclinaison de l’avion et celui-ci sera perdu.

Aux USA, après des années de polémique entre Boeing, la FAA, le NTSB et les associations de pilotes, des changements ont été ordonnées et Boeing modifia le design de cette pièce. Aujourd’hui, tous les 737 volant aux USA ont intégré cette modification. Par contre, comme la FAA laissa de nombreuses années aux compagnies pour réaliser les changements, certaines ont préféré vendre leurs appareils hors des USA que de corriger la PCU et plein d’autres obligations de mise aux normes (dont le bruit !). Ainsi, jusqu’à nos jours, on trouve de manière banale en Afrique et en Asie des 737-200/300 à la PCU non modifiée.

Lire aussi :
– La légende et les soucis du Boeing 737

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