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Le crash du vol ValuJet 592

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Ce crash, l’un des plus horribles de ces dernières années, est malheureusement l’accident typique de notre époque. Il démontre à quel point la relation entre une compagnie aérienne et les marchés financiers peut être perverse et porteuse de danger.

C’est une ambiance estivale qui règne sur l’aéroport de Miami ce samedi 11 mai 1996. La météo est très douce pour la saison et beaucoup de gens ont choisi de faire le déplacement pour la fête des mères. Le vol 592 à destination d’Atlanta, en Géorgie, est programmé à 13 heures, mais déjà les écrans de l’aéroport annoncent qu’il partira avec au moins une heure en retard.

Au moment de l’enregistrement, 105 passagers se bousculent aux guichets de ValuJet. Sur le tarmac, des employés s’affairent autour de DC-9 arrivé en retard de son vol précédent. Tandis que l’équipage fait son briefing pour Atlanta, des employés de l’aéroport chargent le fret et les bagages dans les soutes avant et arrière. Rapidement, les passagers sont embarqués et l’avion s’ébranle avec trois quarts d’heures de retard sur son horaire.

Aux commandes, il y a deux pilotes de qualité. Le commandant de bord est une femme de 35 ans, elle s’appelle Candalyn Kubeck mais tout le monde l’appelle Candi. Cette californienne vole depuis son adolescence et totalise plus de 8’900 heures de vol dont pratiquement 1’800 heures sur DC-9. Passionnée d’aviation, elle aime son métier et connaît parfaitement sa tâche et son avion. A sa droite, il y a le copilote, Richard Hazen, 52 ans. C’est un homme très expérimenté. Il a servi dans l’Air Force comme mécanicien naviguant puis comme pilote. C’est le genre de personnes qu’on aime avoir avec soi quand les choses tournent mal.

Selon ses parents, Candi n’a jamais été rassurée par le DC-9. Ce n’est pas l’avion en lui-même qui lui posait problème, mais la façon dont il était exploité. ValuJet achetait de nombreux avions anciens et les rénovait en quelques semaines puis les mettaient en ligne. C’est un choix très périlleux que celui de faire voler des passagers sur des avions ayant une ou deux générations de retard. Ces appareils sont très problématiques. Les pannes sont nombreuses et les frais de maintenance explosent.

Quoiqu’il en soit, le DC-9 de ValuJet s’aligne sur la piste de l’aéroport de Miami International et prend son dernier envol. A son bord, il y a 110 personnes condamnées par la folie des hommes.

Trois minutes plus tard, l’avion passait les 10’000 pieds d’altitude quand soudain un bruit sourd se fit entendre. Les pilotes se regardent, ça ne leur inspire rien qui vaille. Douze secondes après, les ennuis, les vrais, commencent. Tout d’abord, une bonne partie de l’énergie électrique de l’avion s’en va brutalement. Une grande partie des appareils et instruments de bord s’arrêtent de fonctionner.

Les pilotes ne perdent pas leur temps à discuter la chose. Immédiatement, ils contactent la tour de contrôle et annoncent qu’ils ont besoin de faire demi tour immédiatement. Avant de poser la moindre question, le contrôleur répond :

– Bien reçu, tournez à gauche au cap 270, descendez à 7’000 pieds !

Au moment où l’avion commence à virer, des cris arrivent de la cabine des passagers : « Au feu ! Au feu ! Nous sommes en feu ! ».

– Nous pouvons savoir ce que vous avez comme problèmes ? demande le contrôleur
– Il y a de la fumée dans le cockpit et dans la cabine, répond le copilote

Les pompiers sont alertés et, toutes sirènes hurlantes, ils prennent place aux abords de la piste 12 de l’aéroport de Miami. Pendant ce temps, le contrôleur continue à guider l’avion en lui donnant des caps et des altitudes qui lui permettent de suivre le chemin le plus court vers le salut.

Hélas, les choses se précipitent alors que l’avion est à près de 7’000 pieds d’altitude. Il ne répond plus aux messages et bientôt disparaît des écrans radar alors qu’il survolait les Everglades.

Le NTSB fur rapidement informé de la situation. A 15 heures, une équipe d’enquêteurs était partie de Washington à bord d’un Gulfstream prêté par la FAA. A son arrivée, les services de secours locaux n’avaient pas encore retrouvé l’épave de l’avion.

Les Everglades sont une réserve naturelle de plus de 6’000 Km2. Même si un million de touristes y sont recensés chaque année, cet endroit demeure l’un des lieux les moins visitables de la planète. A perte de vue, s’étendent des eaux marécageuses et noires comme du café. Leur profondeur varie en fonction des saisons et des endroits. Elle peut aller de quelques centimètres à 5 ou 6 mètres, voir plus. Le fond est tapissé d’une couche organique de 10 à 12 mètres constituée de sédiments de plantes en putréfaction. A la surface, des plantes aux feuilles tranchantes comme des rasoirs dissimulent des crocodiles qui partagent les lieux avec des milliards de moustiques. Aucun bateau ou barque ne peuvent circuler dans ces eaux sans s’enliser ou bloquer leurs hélices en quelques secondes. Les seules embarcations qui peuvent braver cet espace sont des bateaux à fond plat propulsés par une hélice aérienne entraînée par un moteur très puissant.

Les secouristes ont un témoin qui a vu l’avion se faire littéralement « avaler » par les Everglades. Quelques débris sont retrouvés flottants, mais leur dissémination sur une très grande surface ne permet pas de localiser le point de l’impact. Pour compliquer le tableau, une large étendue d’eau est recouverte d’une nappe de kérosène qui risque de s’enflammer d’un moment à l’autre.

C’est dans cet endroit inhospitalier que commence l’enquête la plus difficile de l’histoire du NTSB.

Tout d’abord, le profil de la compagnie est établi. ValuJet a été créée en 1993 grâce à tour de table qui a réuni environ 4 millions de dollars. Avec cette somme dérisoire, son patron Lewis Jordan s’est donné des objectifs prétentieux : « nous allons devenir le Walmart des compagnies aériennes ». La croissance de la compagnie est fulgurante. De vieux appareils sont achetés partout aux Etats-Unis et à l’étranger et rénovés. Il s’agit de DC-9 pour la plus part, mais la compagnie ne dédaigne pas quant à elle, les 737-200. Environ 20 appareils viennent grandir la flotte chaque année. Le réseau s’étend et couvre bientôt tout le pays.

La technique du management est simple : du profit à tous les étages. Toutes les tâches sont déléguées à des entreprises de piètre qualité. Certains experts parlent de « compagnie virtuelle ». Les pilotes doivent payer 9’500 dollars pour pouvoir financer leur formation avant d’être engagés. La maintenance des vieux appareils est réalisée, en grande partie, par SabreTech, une entreprise de Miami qui emploi des ouvriers hispaniques dont une bonne partie ne maîtrisent pas suffisamment l’Anglais pour comprendre les manuels techniques des avions. De plus, dans les accords qui la lient à ValuJet, SabreTech doit payer 2’500 dollars d’astreinte par jour de retard sur les délais de rénovation des appareils. A son tour, SabreTech déléguait la plus grande partie de son travail à des tiers. Plus de 75% du personnel travaillant à la rénovation des DC-9 appartenait à d’autres entreprises sous contrat. Au niveau de ValuJet, personne ne savait qui faisait quoi ni comment.

Alors qu’ils doivent ressembler à des sales d’opérations, les locaux de SabreTech étaient tout le contraire. Un désordre abominable y régnait. Quand des clients avaient à visiter les installations, les employés balayaient les déchets et les cachaient au hasard des cartons. Aucun responsable de ValuJet n’aurait confié sa voiture à SabreTech ! Pourtant, cette entreprise avait pignon sur rue et toutes les accréditations pour faire le travail qui était le sien. Et comme le dit la formule habituelle : « Cette entreprise répond aux standard internationaux ».

La presse économique et financière adorait ValuJet. Les responsables de la compagnie étaient souvent interrogés et donnaient des leçons effrayantes sur ce que devaient être les entreprises de transport aérien de demain. Naturellement, quand ValuJet fut introduite en bourse, tous les cabinets et les conseillers étaient à l’achat fort. Le jour de l’introduction, l’action fit un bond de près de 30%. Le succès ne devait pas se démentir par la suite. L’action prit plus de 400% en un an et demi. ValuJet créait de la valeur pour les investisseurs et portait bien son nom. Honni soit qui mal y pense ! Les créateurs de l’entreprise se sentent pousser des ailes. A chaque pourcent de pris, c’est leur fortune personnelle qui augmente.

Les recherches se sont poursuivies pendant près de deux mois dans les Everglades. Jamais elles n’auront été aussi pénibles. Les plongeurs avaient une visibilité nulle. Ils fouillaient autour d’eux en tâtonnant avec les mains. Ils pouvaient tomber sur des pièces de l’avion, des morceaux humains, des crocodiles ou des mottes de plantes en putréfaction. A la surface, le personnel devait porter des tenues de protection biologique. La chaleur et le soleil limitaient l’intervention de chaque personne à quelques dizaines de minutes.

Petit à petit, les pièces du puzzle se reconstituent et se mettent à parler. Dans un hangar, une maquette en deux dimensions est réalisée. Il s’agit d’un dessin de la forme de l’avion matérialisée sur le sol. Les pièces sont identifiées et posées à l’endroit où elles devaient, à peu près, se trouver. Une fois ce travail long réalisé, les enquêteurs construisent une maquette en trois dimensions. Dans le même hangar, un vague DC-9 est réalisé en bois, fils de fer et grillage à lapins. Par la suite, les pièces sont accrochées à cette structure et l’avion se révèle peu à peu.

Les enregistreurs de vol sont retrouvés. L’écoute du CVR est particulièrement difficile. Alors que les micros de cet enregistreur se trouvent dans le cockpit, les cris des passagers sont nettement enregistrés. Les gens criaient « Au feu ! » sans que personne ne soit capable de les secourir. Le FDR, l’enregistreur des données de vol, présentait des anomalies dans ses indications. A un moment donné, juste après que le bruit sourd ait été entendu, le FDR enregistre une perte d’altitude de plus de 800 pieds et une perte de vitesse de 33 nœuds. Mais quelques secondes plus tard, ces chiffres reviennent à leurs valeurs précédentes. Ce fait, mystérieux au début, apportera de la lumière par la suite.

Il n’y a rien dans un avion qui puisse brûler en quelques secondes. Pour cette raison, dès le début, le NTSB s’intéresse au fret qui se trouvait dans la soute. L’une des palettes embarquées à l’avant appartenait à la compagnie aérienne. Elle comportait 2 roues d’avion gonflées à 3.5 bars ainsi qu’un mystérieux chargement dont la description est portée avec une écriture presque illisible sur les documents restées au sol : « Oxy cannettes vides ». Immédiatement, les enquêteurs débarquent chez ceux qui ont préparé cette palette, à savoir SabreTech.

Les Oxy cannettes vides s’avèrent être de vieux générateurs à oxygène ; vieux, mais loin d’être vides.

En fait, tous les avions du transport public sont obligés d’avoir de l’oxygène à bord pour alimenter l’équipage et les passagers en cas de dépressurisation. Dans la majorité des appareils, cet oxygène est produit par des cartouches qui réalisent une réaction chimique lorsqu’elles sont activées. Mais pas seulement de l’oxygène est produit, la réaction s’accompagne d’un fort dégagement de chaleur. Sur chaque cartouche, un texte entièrement en majuscules averti l’utilisateur : « ATTENTION : L’ACTIVATION DE CE GENERATEUR PROVOQUE UNE ELEVATION DE TEMPERATURE QUI PEUT ATTEINDRE 260 DEGRES. ». Quand il est monté sur l’avion, chaque générateur est relié à un masque par un tube et un fil. Le tube permet le passage de l’oxygène alors que le fil s’accroche sur le système d’armement de la cartouche. Quand le masque est tiré, une petite charge explose dans la cartouche et une réaction chimique rapide commence. Quand les cartouches à oxygène sont entreposées, un bouchon en plastique jaune cache le mécanisme d’activation qui est très sensible aux chocs. Tellement sensible, qui si on fait tomber tous les masques d’un avion, certains générateurs vont s’activer rien qu’avec la tension provoquée par la chute du masque qui pourtant est très léger. Le bouchon de protection est enlevé et jeté une fois la cartouche mise en place. Un générateur est garanti 12 ans par McDonnell Douglas mais il peut fonctionner bien plus tard.

Parmi les tâches de SabreTech, était inscrit le remplacement de toutes les cartouches d’oxygène arrivées à expiration. Cette entreprise, tout comme votre mécanicien de quartier, n’avait jamais réalisé ce genre d’opération. Néanmoins, les techniciens consultent les manuels et commencent à retirer les cartouches des 3 avions que ValuJet leur a confiés. Plus de 140 seront déposées et empilées dans des cartons. L’un des employés va quand même s’inquiéter de cette manipulation à la légère et en parle à son chef de service. Ce dernier lui répondra qu’il ne dispose pas de bouchons en plastique et qu’en tant que « consommables » c’est à la compagnie aérienne de les fournir, pas à eux. L’employé demande alors s’il peut utiliser les bouchons qu’il peut récupérer sur les nouvelles cartouches mises en places. Refus de son supérieur.

Plus tard, devant le NTSB, le supérieur en question niera avoir jamais eu cette conversation.

Le piège qui va se refermer sur 110 personnes est en construction. Chacun y apporte sa contribution.

Quelques jours plus tard, nous sommes au début du mois de mai 1996 et afin de diminuer le désordre ambiant, un employé est désigné pour emballer les cartouches périmées en vue de leur expédition par avion à ValuJet à Atlanta. Cet employé va les déposer au fond d’un gros carton, les unes à la suite des autres. Précisons, c’est-à-dire, que le dispositif de mise à feu de chaque cartouche était en contact avec l’arrière de la cartouche suivante. Par acquis de conscience, il recouvre l’ensemble de plastique à bulles puis referme le carton. Il y aura 5 cartons de cette nature.

Par la suite, un ballet d’étiquettes va se dérouler. Que noter sur les cartons ? Tout le monde sait que le transport des produits chimiques, et à plus forte raison l’oxygène, est sévèrement réglementé à bord des avions. Pour éviter les ennuis, le premier employé va marquer « pièces d’avion » sur chaque étiquette.

Le 8 mai, lors de la préparation du chargement pour le transport, les étiquettes changent encore. Un responsable des expéditions notera « Cannettes à Oxygène – vides ». Par la suite, un autre responsable, vient effacer les dernières lettres du mot « Oxygène » puis renforcer le mot « vide ». Le texte final sera « Cannettes Oxy – vides ». La seule chose dont on n’a pas envie chez SabreTech, c’est que ces cartouches soient refusées à l’aéroport et qu’elles reviennent chez eux encore.

Lors du chargement de l’avion, un manutentionnaire entend un bruit de métal qui résonne quand les cartons sont secoués. Il n’y fera pas attention. Les deux roues sont chargées puis les cartons rangés dessus et la porte cargo refermée.

Lors de l’enquête, le NTSB acquiert un lot de ces cartouches similaires ainsi que des roues de DC-9. Le chargement de la soute avant est reproduit à l’identique et de nombreux tests sont réalisés. A l’aide d’un fil, les enquêteurs activent l’un des générateurs et attendent pour voir ce qui se passe. Dans les deux premiers tests, rien de grave ne se passe. Une simple fumée blanche sort des cartons et s’arrête d’elle-même. Par contre, les essais suivants sont effrayants. Dix minutes après l’activation d’un seul générateur, la température de la palette reconstituée est de 815 degrés. Onze minutes après l’activation la température dépasse 1’540 degrés. Elle continue sa montée vertigineuse et trente secondes après ce point, elle est à 1’800 degrés. L’instrument ne peut pas mesurer plus. Enfin, 16 minutes après le début de séquence, le pneu déposé sous le chargement de cartouches explose en créant une forte onde de pression.

Goodyear analyse refait des expériences similaires et analyse les pneus retrouvés et confirme leur explosion suite à une forte chaleur. Ceci vient corroborer les données du FDR. En effet, les variations brutales sur les données de la vitesse et de l’altitude viennent de la variation soudaine et temporaire de la pression dans la l’avion suite à l’explosion du pneu. Les tubes des sondes passent tout près du lieu de l’explosion et l’onde de choc suffit à y provoquer d’amples variations de pression.

L’étau se referme gentiment sur les responsables cet immense gâchis, mais les souris quittent déjà le navire. Avant la fin de l’enquête, les fondateurs de l’entreprise commencent à vendre leurs actions. Leur porte-parole affirme que ceci n’a rien avoir avec le crash, mais seulement une redistribution de capitaux. Timothy Flynn, l’un des fondateurs, vend plus de 1.5 millions d’actions dans les jours suivant le drame. D’autres fondateurs suivent son exemple avant que les révélations accablantes n’apparaissent au grand jour.

Les agréments de ValuJet et de SabreTech sont révoqués par la FAA et tous les avions de la compagnie bloqués au sol dès le mois de juin.

La modélisation du crash avance à grands pas et, enfin, on commence à en savoir plus sur ce qui s’est passé. Le vol a duré 10 minutes, la cartouche qui a enclenché le processus a du s’activer par un choc à un moment donné avant le décollage mais au plus tard, pendant celui-ci. Une forte fumée a commencé à se dégager, mais à l’insu des pilotes. En effet, malgré la recommandation du NTSB, la FAA n’avait jamais jugé utile d’imposer des détecteurs de fumée dans les soutes des avions de ligne. Certains en comportaient, mais pas le DC-9. Le détecteur de fumée prévient le pilote dès que le feu se déclare et parfois même avant. Sans cet appareil, le pilote n’aura conscience du feu que lorsque celui se sera propagé et causé des dommages et des fumées qui arrivent en cabine. Dans le cas de ValuJet, l’équipage n’a eu que 12 petites secondes entre le premier signe alarmant (l’explosion du pneu) et la dégradation de la contrôlabilité de l’appareil.

Les expériences ont démontré que si le DC-9 disposait d’un détecteur de fumée, jamais le crash ne se serait passé. Ceci a poussé le NTSB à classer comme paramètre causal le refus de la FAA d’imposer des détecteurs de fumée à bord des avions de ligne. Il est très important de souligner cette première. Le NTSB a souvent critiqué la FAA ou cité son laxisme dans la rubrique des paramètres aggravants, mais c’est la première fois que la FAA était expressément citée comme paramètre causal en même temps que le feu.

Le feu qui se déclara dans la soute fut un véritable enfer. Il faut rappeler que les feux qui se passent atmosphère enrichie d’oxygène sont d’une force qui dépasse notre entendement. Ainsi, une cigarette peut se consumer entièrement en quelques secondes et avec une flamme si vive qu’on peut s’en servir pour percer une tôle. Un simple croissant peut prendre feu puis exploser comme s’il était imbibé d’essence !

On pourrait s’arrêter à ce point du récit et sauter directement à l’étape où l’avion gît dans les marécages. Mais on ne va pas occulter la souffrance des gens. Des personnes ont vécu l’horreur et il ne faut pas compter sur cet ouvrage pour en faire abstraction. Puis, on dit que des fois il faut mettre leur nez dans leurs excréments aux chats pas propres afin qu’ils perçoivent le message et comprennent qu’il y en a assez avec ce genre de saletés. Peut être que ce système marche avec les compagnies aériennes ?

La fournaise est juste sous les sièges des passagers et la moitié gauche du plancher s’effondre. Les passagers de gauche sont brûlés sous les yeux des passagers de droite alors que le plancher continue à fondre. La situation s’éternise pendant plus de trois minutes. Des cris stridents sont enregistrés dans le CVR. Ce dernier a son micro dans le poste de pilotage qui est séparé de la cabine par une porte ! Il eut peu de crashs où l’on entendit les cris des passagers dans le CVR.

Les pilotes réduisent les gaz pour la descente d’urgence, mais seul le réacteur droit obéit. Le câble du gauche est rompu et le réacteur devient incontrôlable. Les câbles des commandes sont cassés, fondus ou mélangés aux structures effondrées par le feu. Peu à peu, le DC-9 devient incontrôlable. Il n’est plus qu’un tube en feu lancé dans le vide et dans lequel 110 personnes ont le malheur de se trouver. Le choc avec le sol à plus de 400 nœuds arrivera certainement comme une délivrance.

Pour la première fois dans l’histoire des Etats-Unis, des poursuites criminelles furent engagées contre SabreTech, le directeur de la maintenance, Daniel Gonzalez, et deux employés de cette entreprise Eugene Florence et Mauro Valenzuela. Ils devront répondre de 110 charges de meurtre au troisième degré, de 110 charges d’homicide, de conspiration afin de cacher des problèmes ayant conduit au crash d’un avion civil, d’une charge pour transport illégal de déchets dangereux, de faux témoignage, d’installation d’appareil de destruction à bord d’un avion civil, de faux et usage de faux ainsi que 21 autres crimes fédéraux. Pour la première fois, la justice voulut envoyer un signal fort aux compagnies aériennes. Des personnes qui se croient protégées peuvent avoir à répondre personnellement devant la justice en cas de problèmes. Il n’est plus possible que des responsables fassent des profits ou des économies et que ce soit aux passagers de payer les frais quand vient le jour de la grande facture.

Les parents des victimes ont trouvé la démarche insuffisante puisque qu’aucun responsable de ValuJet ne fut inquiété. Par ailleurs, en septembre 1996, 5 mois après l’accident, ValuJet fut autorisée à voler de nouveau. Ce fut un jour de faste à Wall Street où le titre grimpa de 25% ! Par la suite, la compagnie fusionna avec une autre et les activités continuent sous le nom de cette dernière : AirTran. Dans le site internet de la nouvelle compagnie, jusqu’à aujourd’hui, on peut voir le cours de bourse en direct sur la première page pas loin du formulaire de réservation. Ce qu’on ne voit pas, par contre, c’est les 4 incidents graves qu’ils ont eu entre 1998 et 2003. A chaque fois, l’avion était au bord du crash et à chaque fois ce sont des défaillances ou des erreurs dans la maintenance qui ont été pointées par les enquêteurs.

La FAA a réagit au crash en imposant la présence de détecteurs de fumée et de systèmes d’extinction dans toutes les soutes. Elle donna cependant trois ans aux exploitants pour se mettre aux normes. Dès 2001, aucun avion ne répondant pas aux normes ne sera construit.

Le récit ne serait pas terminé sans que la réponse à deux questions simples ne soit apportée. D’abord, quel est le prix d’un bouchon de générateur d’oxygène ? La réponse est 3 centimes. C’est-à-dire quatre dollars vingt pour protéger les 140 cartouches qui ont causé le crash. Enfin, pourquoi ValuJet décida de transporter des générateurs usagés jusqu’en Géorgie alors qu’elle pouvait les jeter à Miami, en Floride ? En fait, l’Etat de Floride exigeait le payement d’une taxe de recyclage de 6.95 dollars par générateur mis à la poubelle alors qu’en Géorgie on pouvait les jeter gratuitement.

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