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8 janvier 1996 – Crash à Kinshasa – Air Africa / Scibe CMMJ

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Personne ne sait vraiment combien de personnes sont mortes quand un Antonov 32B traversa le marché de Simbazikita de part en part. Les hôpitaux qui refoulaient les centaines de survivants, n’avaient pas les ressources pour remonter puis compter les morts.

Cet accident est survenu dans la matinée du 8 janvier 1996 à l’aéroport N’Dolo de Kinshasa. Dans ce qui s’appelait encore le Zaïre sous la coupe du Maréchal Mobutu, l’espérance vie ne dépassait pas les 46 ans. Les gens y mourraient de malnutrition chronique, de maladies ayant traversé les âges et d’accidents d’avion.

 

Crash Kinshasa - 1996
Représentation d’un artiste local Cheri Cherin
Dans un pays en proie à la corruption et l’anarchie, un secteur aussi pointu que celui du transport aérien connait la dérive la plus spectaculaire. Accident après accident, un tableau affligeant se dévoile. Les avions de passagers ou de fret sont exploités en dehors de leurs limites opérationnelles. Des paramètres aussi basiques que le chargement, le centrage, le carburant, le décompte des passagers ou la fermeture des portes sont laissés au hasard. Les maintenances et contrôles ne sont pas réalisés. Les assurances et divers certificats sont invalides, faux ou falsifiés.

Seules les avaries les plus critiques et impossibles à réparer finissent par clouer un avion au sol. Quand plus personne ne s’en réclame, il est poussé dans un terrain vague où sa carcasse, déjà pillée, commencera à rouiller en s’enfonçant dans la végétation.

Les pilotes viennent majoritairement de Russie et d’Ukraine. Beaucoup ont des qualifications expirées, incomplètes ou inexistantes. Ce n’est pas juste un cliché : l’alcoolisme fait des ravages. A chaque accident, on apprend qu’un ou plusieurs membres d’équipage de conduite étaient sous influence.

 

Crash Kinshasa - 1996
Représentation d’un artiste local Cheri Cherin
 

 

Le lundi 8 janvier 1996, l’Antonov 32B est aux commandes de deux pilotes Russes. Ce sont des têtes brulées qui font leur métier avec détachement et désinvolture. Ils sont assistés par quatre autres membres d’équipage aux fonctions non définies. Les documents de vol indiquent 16 passagers et du fret. Personne ne sait combien de passagers ont réellement pris place à bord. Pour le fret, le commandant de bord signe un manifeste indiquant deux tonnes. Cependant, il n’a aucune confiance en l’agent de chargement qui le lui présente. C’est une pratique courante de surcharger les avions et d’indiquer des chiffres rassurants dans les documents.

Le vol est réalisé par Air Africa. C’est une compagnie aérienne qui ne possède aucun avion. Elle loue l’Antonov à Scibe CMMJ qui elle-même ne possède aucun avion non plus. Ceci ne l’empêche pas d’écraser un appareil tous les deux ans avec une régularité étonnante. Scibe appartient à Jeannot Bemba Saolona un proche de Mobutu. Elle-même loue l’avion à une compagnie russe. Le résultat net du montage est que le clan au pouvoir prenne sa part dans l’affaire.

 

Crash Kinshasa - 1996
Accident Antonov 32B – Kinshasa
 

 

La destination officielle est Kahemba dans le sud du pays à un jet de pierre de la frontière avec l’Angola. Depuis des années, l’ONU soupçonnait le clan de l’homme à la toque de léopard, Mobutu Sese Seko, d’utiliser cette destination comme couverture pour un trafic d’armes. Le matériel venait de Russie, de Cuba ou d’Afrique du Sud et suivait un chemin tortueux jusqu’aux mains des belligérants sur le terrain. En sens inverse, l’argent suivait un chemin non moins tortueux et arrosait du monde jusque dans Paris. Quand l’affaire de l’Angolagate éclata, on trouva à la barre plein de personnalités connues des Français.

L’appareil s’aligne sur la piste et le régime est poussé au maximum. Chacun des deux moteurs ZMKB envoi plus de 4000 chevaux sur l’arbre. Les immenses hélices à quadri pales sont entrainées en rotation et l’avion commence à prendre de la vitesse.

Théoriquement, l’Antonov 32B a une masse maximale au décollage de 27 tonnes. Ce jour là, il pèse bien plus. Le dépassement est de quelques centaines à quelques milliers de kilogrammes en fonction des estimations. Il existe une certitude cependant : le centrage n’était pas correct. Tout avion, du Cessna 152 d’aéroclub à l’Airbus A380, doit être chargé de manière à ce que son centre de gravité soit dans un intervalle défini par le constructeur. Même les modèles réduits n’y échappent pas ! Si l’avion est chargé trop en arrière, il a une forte tendance à cabrer qui peut se manifester dès la mise en puissance. Au contraire, si les masses sont disposées trop en avant, le moment de la gouverne de profondeur sera insuffisant pour faire cabrer l’avion quand la vitesse de rotation sera atteinte.

L’avion a déjà parcouru une bonne partie de la piste quand le pilote commence à tirer sur le manche. La gouverne de profondeur se lève mais les forces aérodynamiques appliquées sur elle ne suffisent pas pour faire cabrer l’avion. Le pilote n’est pas surpris outre mesure. C’est quelque chose qu’il voit tout le temps. La solution habituelle est de laisser l’avion accélérer encore. Avec la vitesse, la gouverne de profondeur deviendra de plus en plus efficace. A terme, elle pourra contrer le déséquilibre et réaliser la rotation.

 

Crash Kinshasa - 1996
Avion impliqué dans l’accident photographié ici à Moscou deux ans avant le drame
 

 

L’Antonov poursuit son accélération consommant la piste à une vitesse vertigineuse. Le commandant de bord tente encore de tirer sur le manche mais rien ne se passe. L’avion ne fait même pas mine de se cabrer. La sortie de piste semble inévitable.
De l’autre cote de l’aéroport, séparé par une route nationale, se tient un très grand marché en plein air. On y trouve surtout des fruits et des légumes. La majorité des vendeurs sont des femmes et des enfants. Le marché est bondé à ce moment de la journée.

Une demi-seconde après avoir quitté la piste, l’avion est déjà dans la foule. Plusieurs éléments vont justifier le bilan ahurissant :

1 – L’Antonov 32B est un avion à hélices et à ailes hautes. Lors de la sortie de piste, même quand le train d’atterrissage se casse, les hélices ne touchent pas le sol. Elles continuent donc à tourner le plus longtemps possible représentant un danger mortel pour tous ceux qui se trouveraient sur leur chemin.

2 – Quand le pilote comprit qu’il ne pouvait plus décoller, il commença à freiner en utilisant les inverseurs de poussée. Dans ce cas, seul le pas des hélices diminue, mais leur vitesse de rotation continue à être maximale.

3 – Le pilote tentait d’obtenir la vitesse la plus élevée possible pour contrer le faux centrage. A la sortie de piste, l’avion avait une énergie maximale.

4 – Le marché n’était pas bâti en dur. Auquel cas, l’avion aurait été arrêté assez vite. Toutes les structures rencontrées étaient fabriquées de planches, cartons, tissu et ficelles. Ceci a permis à l’avion de parcourir une grande distance au milieu de la foule.

5 – L’hôpital principal de Kinshasa n’avait que 60 lits et aucun équipement pour soigner les blessés. Beaucoup sont morts faute de soins à temps.

L’avion traversa la foule comme un hachoir à 8000 chevaux. Il y avait tellement de membres éparpillés partout que les premiers intervenants pensèrent qu’il y avait plus de mille morts. Très rapidement, le carburant déversé par l’avion s’enflamma et la scène fut enveloppée d’une épaisse couche de fumée.

Une partie des survivants se portèrent au secours des blessés alors que d’autres commencèrent à piller les morts.

Les pilotes réussirent à s’extraire de l’épave pour se retrouver face à une foule déterminée à les lyncher. Ils furent sauvés par la police et évacués vers l’hôpital. Sur place, ils échappèrent de justesse à un autre lynchage. Pour apaiser les esprits, ils furent rapidement extradés en Russie et condamnés à deux ans de prison.

Le bilan des morts pour cet accident varie selon les sources. L’acte d’accusation parle de 225 victimes. D’autres sources le situent vers 350 à 400 victimes. Il y a eu également plus de 500 blessés mutilés à divers degrés.

Cet accident garde jusqu’à nos jours le triste record du plus grand nombre de victimes au sol.

 

 

Commentaire d’Eric (lecteur)

Merci pour cet article. Article qui a reveillé bien de souvenirs en moi que je croyais évaporé. Simplement parce que le jour du crash, j’y étais. En effet, mes parents et moi habitions pas loin du marché,de l’aéroport de Ndolo à Kinshasa.
C’étais indescriptible…, les morceaux de corps ici et là fût insoutenable…, voilà, je prie à nouveau aujourd’hui pour les familles des victimes de cette accident.
Je suis Congolais et je ne peux que déplorer la présence des avions poubelles dans mon pays, hélas, ceci n’est pas prêt de changer!

 

1 COMMENT

  1. Gloire soit rendue a DIEU car en ce jour j’etais là parmis les victimes la plus part de mes amis et connaissance ont perdues leurs vies .SEIGNEUR protege et gardes toujours cette nation congolaise entre tes sainte mains l…………je manque meme des mots pour m’exprimer courage a toute les familles qui ont perdues leurs membres.

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